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HÉRÉDITÉ.

D’après cette idée, comme nous le verrons plus clairement dans le chapitre suivant, en traitant des tendances latentes, nous devrions considérer le fait dans son ensemble, comme un cas de retour vers un ancêtre prodigieusement éloigné, d’une organisation inférieure, et multidigité.

Je puis maintenant mentionner une classe de faits voisins, mais quelque peu différents, des cas ordinaires d’hérédité. Sir H. Holland[1] a constaté que des frères et sœurs d’une même famille, sont souvent atteints, et cela à peu près au même âge, d’une maladie particulière n’ayant pas antérieurement paru dans la famille. Il signale l’apparition du diabète chez trois frères âgés de moins de dix ans ; et remarque encore que des enfants d’une même famille présentent fréquemment des symptômes spéciaux et semblables, dans les maladies ordinaires de l’enfance. Mon père m’a signalé un cas de quatre frères, qui moururent entre soixante et soixante-dix ans, tous dans un même état comateux tout à fait particulier. Nous avons déjà mentionné un cas de doigts surnuméraires, s’étant manifestés chez quatre enfants sur six, appartenant à une famille, dans laquelle il n’y avait précédemment eu aucun cas du même genre. Le Dr Devay[2] signale celui de deux frères, ayant épousé deux sœurs, leurs cousines germaines ; aucun des quatre n’était albinos, et il n’y en avait point eu précédemment dans la famille ; les sept enfants issus de ce double mariage furent cependant tous des albinos parfaits. M. Sedgwick[3] a montré que dans plusieurs de ces cas, il y a probablement un retour à un ancêtre éloigné, dont on n’a pas conservé le souvenir ; mais tous, d’ailleurs, se rattachent à l’hérédité, en ce sens que les enfants ayant hérité d’une constitution semblable à celle de leurs parents, et se trouvant dans des conditions extérieures à peu près les mêmes, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils soient affectés d’une même manière, et à la même période de leur vie.

Les faits qui précèdent, témoignent de l’énergie de l’hérédité ; nous allons maintenant en voir d’autres, qui montrent combien elle est quelquefois faible et capricieuse. À l’apparition d’une nouvelle particularité, nous ne pouvons jamais prédire

  1. Medical notes, etc., p. 24, 34. — Dr P. Lucas, O. C., t. II, p. 33.
  2. Du Danger des mariages consanguins, 3e  édition, 1862, p. 103.
  3. O. C., 1863, p. 183, 189.