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ACCLIMATATION.

rapidement, ainsi que le montre la liste des variétés des cerisiers, pommiers et poiriers, qu’on peut cultiver dans les environs de Stockholm[1]. Près de Moscou, le prince Troubetzkoy ayant, à titre d’essai, planté en pleine terre plusieurs variétés de poiriers, une seule, la Poire sans pépins, put résister à l’hiver[2]. Nous voyons par là que nos arbres fruitiers peuvent différer entre eux comme le font des espèces distinctes d’un même genre, par leur adaptation constitutionnelle à différents climats.

Pour beaucoup de variétés de plantes, l’appropriation au climat est souvent très-rigoureuse. C’est ainsi qu’on a pu constater, après des essais réitérés, qu’il n’y a que fort peu de variétés anglaises de froment qui puissent être cultivées en Écosse[3], la quantité laissant d’abord à désirer, puis ensuite la qualité du grain. Le Rev. J.-M. Berkeley a semé du grain venant de l’Inde, et n’obtint que des épis fort maigres sur un sol qui eût certainement produit une forte récolte de froment anglais[4] ; dans ce cas, la variété avait été portée d’un climat plus chaud à un plus froid ; mais on connaît un cas inverse, de froment importé de France aux Indes occidentales, qui ne produisit que des épis stériles ou ne contenant que deux ou trois grains, tandis que les variétés locales croissant à côté donnaient une énorme récolte[5]. Voici un autre exemple d’adaptation à un climat un peu plus froid ; une sorte de froment qui, en Angleterre, peut être indifféremment employée comme une variété d’hiver ou d’été, semée à Grignan, en France, sous un climat plus chaud, se comporta exactement comme un froment d’hiver[6].

Les botanistes admettent que toutes les variétés du maïs appartiennent à la même espèce, et nous avons vu qu’à mesure que dans l’Amérique septentrionale on s’avance plus au nord, les variétés cultivées dans chaque zone fleurissent et mûrissent leurs graines dans des périodes de plus en plus courtes ; il en résulte que les hautes variétés plus méridionales, et qui mûrissent lentement leur graine, ne réussissent pas dans la nouvelle Angleterre, ni celles de ce pays au Canada. Je n’ai nulle part vu affirmer que les variétés méridionales fussent effectivement tuées par un degré de froid que les variétés du nord peuvent impunément supporter, bien que cela soit probable ; mais on doit considérer comme étant une forme d’acclimatation la production de variétés précoces, quant à leur floraison et l’époque de maturation de leurs graines. C’est ce qui, d’après Kalm, a permis de pousser la culture du maïs de plus en plus au nord de l’Amérique. D’après Alph. de Candolle, il paraît que, depuis la fin du siècle dernier, la culture du maïs en Europe s’est avancée d’environ trente lieues au nord de son ancienne limite[7]. Je cite, d’après Linné[8], un cas analogue ; en Suède,

  1. Ch. Martius, Voyage Bot., côtes sept. de la Norwège, p. 26.
  2. Journ. de l’Acad. horticole de Gand, cité dans Gard. Chron., 1859, p. 7.
  3. Gard. Chron., 1851, p. 396.
  4. Ibid., 1862, p. 235.
  5. D’après Labat, cité dans Gard. Chronicle, 1862, p. 235.
  6. MM. Edwards et Colin, Ann. sc. nat. bot., 2e série, t. v, p. 22.
  7. Géog. Bot., p. 337.
  8. Actes suédois, 1739–40, vol. I. — Kalm, dans Travels, vol. II, p. 166, cite un cas analogue relatif à des plantes de coton levées à New-Jersey de graines venant de la Caroline.