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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/363

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LOIS DE LA VARIATION.

ment des vertèbres dorsales pour supporter le cou, des jambes antérieures puissantes ; toutes ces parties recevant la quantité nécessaire de vaisseaux sanguins, de muscles et de nerfs. Comment toutes ces modifications de structure remarquablement coordonnées ont-elles pu être acquises ? D’après ma manière de voir, les bois de l’élan mâle se seront lentement accrus par sélection sexuelle, — c’est-à-dire par le fait que les mâles les mieux armés auront triomphé de ceux qui l’étaient moins bien qu’eux, et auront par conséquent laissé un plus grand nombre de descendants. Mais il n’est point absolument nécessaire que les diverses parties du corps aient toutes simultanément varié. Chaque mâle présente des différences individuelles, et dans une même localité ceux qui ont des bois un peu plus pesants, ou le cou plus fort, ou le corps plus vigoureux, ou les plus courageux, seront ceux qui accapareront le plus de femelles, et laisseront la descendance la plus nombreuse. Celle-ci héritera à un degré plus ou moins prononcé des mêmes qualités, pourra occasionnellement s’entre-croiser, ou s’allier avec d’autres individus variant d’une manière également favorable ; les produits de ces unions, les mieux doués sous tous les rapports, continueront à multiplier ; et ainsi de suite, toujours progressant et approchant tantôt par un point, tantôt par un autre, de la conformation actuelle et si bien coordonnée de l’élan mâle. Représentons-nous les phases probables par lesquelles ont passé nos races de chevaux de course et de gros trait, pour arriver à leur type actuel de perfection : si nous pouvions embrasser la série complète des formes intermédiaires qui relient un de ces animaux à son premier ancêtre commun et non amélioré, nous verrions une quantité innombrable d’individus, nullement améliorés dans chaque génération d’une manière égale par toute leur conformation, mais tantôt plus sur un point, tantôt plus sur un autre, et cependant s’approchant en somme et graduellement, des caractères propres à nos chevaux de course ou à nos chevaux de trait, qui sont par leur construction, si admirablement adaptés, les uns pour la rapidité, les autres pour la puissance de traction.

Bien que la sélection naturelle[1] dût ainsi tendre à déter-

  1. M. Herbert Spencer, Principles of Biology, 1864, vol. I, p. 452, 468, émet une opinion différente, et dit ce qui suit : « Nous avons vu qu’il y a des raisons pour croire que,