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DE LA PANGENÈSE.

important en ce qu’il démontre de la manière la plus intéressante, l’identité essentielle des reproductions sexuelle et asexuelle ; car la propriété de combiner dans leurs produits les caractères des deux parents, est la plus frappante de toutes les fonctions de la génération sexuelle.

Action directe de l’élément mâle sur la femelle. — J’ai déjà, dans un chapitre précédent, donné des preuves convaincantes, qu’un pollen étranger peut occasionnellement affecter directement la plante mère. Ainsi lorsque Gallesio féconda une fleur d’oranger avec du pollen de citronnier, le fruit présenta des bandes d’écorce de citron parfaitement caractérisées ; plusieurs observateurs ont vu la couleur de l’enveloppe des graines et même celle des cosses, directement affectée chez le pois par le pollen d’une variété distincte ; et il en a été de même pour la pomme, fruit qui consiste en une modification du calice et de la partie supérieure du pédoncule de la fleur. Dans les cas ordinaires, ces parties sont entièrement formées par la plante mère. Nous voyons donc là que l’élément mâle affecte et modifie, non pas seulement la partie sur laquelle il est spécialement destiné à agir, qui est l’ovule, mais aussi les tissus partiellement développés d’un individu distinct. Ceci nous ramène vers l’hybride par greffe, dans lequel le tissu cellulaire d’une forme, au lieu de son pollen, paraît hybridiser les tissus d’une forme distincte. J’ai précédemment donné des raisons contraires à l’opinion émise que la plante mère devait être affectée par l’intermédiaire de l’embryon hybride ; mais même en admettant cette manière de voir, le fait deviendrait un cas d’hybridité par greffe ; car l’embryon fécondé et la plante mère doivent être regardés comme des individus distincts.

Chez les animaux qui ne reproduisent que lorsqu’ils sont presque adultes, et dont tous les organes sont alors complétement développés, il n’est guère possible que l’élément mâle puisse affecter directement la femelle. Mais nous avons un cas analogue et bien constaté, celui du quagga et de la jument de lord Morton, dans lequel l’élément mâle d’une forme distincte a affecté l’ovaire de la femelle, de sorte que les ovules et leurs produits auxquels elle donna ultérieurement naissance, après avoir été fécondés par d’autres mâles, furent nettement modifiés et pour ainsi dire hybridisés par le premier.