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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/450

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REMARQUES FINALES

qu’un point de l’organisation soit seul modifié, sans cependant, comme nous l’avons vu, que toutes les modifications coadaptées aient dû nécessairement se réaliser d’une manière absolument simultanée. Un grand nombre de modifications sont toutefois d’emblée en connexion mutuelle en vertu de la loi de corrélation ; d’où il résulte que les espèces même très-voisines ne diffèrent presque jamais entre elles par un seul caractère. Cette remarque peut aussi s’appliquer jusqu’à un certain point aux races domestiques, car lorsqu’elles diffèrent beaucoup les unes des autres, elles diffèrent aussi généralement sous beaucoup de rapports.

Quelques naturalistes affirment hardiment[1] que les espèces sont des produits absolument distincts, et ne passent jamais des uns aux autres par des chaînons intermédiaires, tandis qu’on peut toujours rattacher entre elles ou à leurs ancêtres les variétés domestiques. Mais si nous pouvions toujours trouver les formes qui relient entre elles nos diverses races de chiens, de chevaux, de bêtes bovines, de moutons, de porcs, etc., les doutes incessants qui règnent au sujet de leur descendance d’une ou plusieurs espèces, n’auraient pas de raison d’être. Le genre lévrier, si je puis me servir de cette expression, ne peut se relier exactement à aucune autre race, à moins peut-être de remonter jusqu’aux anciens monuments égyptiens. Notre bouledogue anglais constitue aussi une race fort distincte. Dans tous ces cas nous devons exclure les races croisées, puisque par le moyen du croisement on peut relier les espèces les plus distinctes. Par quels intermédiaires pouvons-nous rattacher aux autres races gallines la race Cochinchinoise ? En cherchant parmi les races encore conservées dans des pays éloignés, et en compulsant les données historiques, nous pouvons établir la filiation entre le bizet comme ancêtre, et les pigeons Culbutants, Messagers et Barbes ; mais nous ne pouvons le faire pour les Turbits et les Grosses-Gorges. Le degré de différence entre les diverses races domestiques dépend de l’étendue des modifications qu’elles ont subies, et surtout de l’extinction finale des races intermédiaires et moins estimées, qui, pour cette raison, ont été négligées.

  1. Godron, de l’Espèce, 1859, t. II, p. 44, etc.