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FIXITÉ DES CARACTÈRES.

suivante. Encore, en améliorant une race, si, pendant un temps assez long, on écarte soigneusement tous les individus inférieurs, la race tendra évidemment à se fixer, n’ayant pas, pendant un grand nombre de générations, été croisée avec un animal inférieur. Nous avons vu, sans toutefois pouvoir en dire la cause, que lorsqu’un caractère surgit, il peut quelquefois ou se fixer très-fortement d’emblée, ou présenter beaucoup de fluctuations, ou ne pas être transmis du tout. Il en est de même de la réunion des légères différences qui caractérisent une nouvelle variété, car quelques-unes propagent, de prime abord, leur type beaucoup plus exactement que d’autres. Même chez les plantes qu’on multiplie par bulbes, marcottes, etc., qui sont en fait des parties du même individu, il est bien connu que quelques variétés conservent et transmettent leurs caractères nouvellement acquis, au travers d’une série de générations par bourgeons, beaucoup plus fidèlement que d’autres. Dans aucun de ces cas, pas plus que dans les suivants, il ne paraît y avoir de relation entre la puissance de transmission d’un caractère et le temps pendant lequel il a déjà été transmis. Quelques variétés, telles que les jacinthes jaunes et blanches, les pois de senteur blancs, transmettent leur couleur plus fidèlement que ne le font les variétés qui ont conservé la coloration naturelle. Dans la famille irlandaise dont il a été question dans le chapitre douzième, la coloration tricolore spéciale des yeux se transmettait plus constamment que les couleurs ordinaires. Les moutons Ancons et Mauchamps, le bétail Niata, qui sont toutes des races relativement modernes, manifestent une très-grande puissance d’hérédité ; et on pourrait citer encore bien des exemples analogues.

Comme tous les animaux domestiques et les plantes cultivées ont varié, et sont cependant les descendants de formes primitivement sauvages, qui avaient sans doute conservé les mêmes caractères dès une époque extrêmement reculée, nous voyons qu’aucun degré d’ancienneté ne peut assurer la transmission intégrale d’un caractère. On peut, dans ce cas, dire que les changements dans les conditions extérieures déterminent certaines modifications, mais non que la puissance d’hérédité fasse défaut ; cependant il faut bien que dans les cas où elle vient à manquer, il ait dû intervenir quel-