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HÉRÉDITÉ.

dents de lait avaient été tardives, et les dents définitives se montrèrent très-imparfaites. On a vu, chez quelques familles, la transmission de cheveux gris très-précoces. Ces cas touchent de près aux maladies qui se transmettent héréditairement à des époques correspondantes de la vie, dont nous aurons bientôt à nous occuper.

On sait que chez les pigeons Culbutants amande, les caractères particuliers et la beauté complète de leur plumage ne se manifestent qu’après la seconde ou la troisième mue. Neumeister a décrit et figuré une race de pigeons, chez lesquels le corps est blanc, à l’exception du cou, de la tête et de la gorge ; mais avant la première mue, toutes les plumes blanches ont leur bord coloré. Dans une autre race, le premier plumage est noir, les ailes portent des bandes rougeâtres, et la poitrine une marque en forme de croissant ; ces marques deviennent ensuite blanches, restent ainsi pendant trois ou quatre mues ; enfin le blanc s’étend sur tout le corps, et l’oiseau perd toute sa beauté[1]. Les canaris de prix ont les ailes et la queue noires ; mais cette coloration ne durant que jusqu’à la première mue, il faut les présenter aux concours avant que ce changement ait eu lieu. Il va sans dire que tous les oiseaux de cette souche ont les ailes et la queue noires pendant la première année[2]. On a donné un récit analogue et curieux d’une famille de freux sauvages pies[3] qui avaient été observés pour la première fois à Chalfont, en 1798, et depuis cette époque jusqu’à celle de la publication de la notice à leur sujet, en 1837, on avait remarqué dans chaque couvée annuelle quelques oiseaux partie blancs et partie noirs. Ce plumage panaché disparaît toutefois après la première mue ; il reste cependant toujours quelques individus pies dans les jeunes familles successives. Ces modifications de plumage qui surgissent et deviennent héréditaires aux mêmes périodes de la vie, chez le pigeon, le canari et le freux, sont remarquables, car les espèces parentes ne présentent aucun changement de ce genre.

Les maladies héréditaires fournissent une démonstration de l’hérédité aux époques correspondantes, peut-être moins valable sous un certain point de vue que les cas précédents, parce que les maladies ne sont pas nécessairement liées à des modifications de conformation ; mais, d’un autre côté, elles ont de l’importance, parce qu’on a mieux observé et noté les époques de leur apparition. Quelques maladies peuvent être communiquées par une sorte d’inoculation aux enfants, qui en sont dès lors affectés dès la naissance ; ces cas sont étrangers à notre sujet, et nous pouvons les laisser de côté. Plusieurs catégories de maladies apparaissent ordinairement à un certain âge, telles que la danse de Saint-Guy dans la jeunesse, la phthisie dans l’âge moyen, la goutte plus tard ; elles sont naturellement héréditaires aux mêmes époques. Mais même pour des maladies de ce genre, on a, comme pour la danse de Saint-Guy, des exemples qui montrent que la tendance à contracter cette maladie plus tôt ou plus tard est héréditaire[4]. Dans la plupart des cas, l’apparition d’une maladie héréditaire est provo-

  1. Das Ganze der Taubenzucht, 1837, p. 21, tab. I, fig. 4 ; p. 24, tab. IV, fig. 2.
  2. Kidd’s Treatise on the Canary, p. 18.
  3. Charlesworth, Mag. of Nat. Hist., vol. I, 1837, p. 167.
  4. Lucas, O. C., t. II, p. 713.