Aller au contenu

Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
la sélection naturelle.

Il n’est peut-être pas inutile de citer un autre exemple un peu plus compliqué de l’action de la sélection naturelle. Certaines plantes sécrètent une liqueur sucrée, apparemment dans le but d’éliminer de leur sève quelques substances nuisibles. Cette sécrétion s’effectue, parfois, à l’aide de glandes placées à la base des stipules chez quelques légumineuses, et sur le revers des feuilles du laurier commun. Les insectes recherchent avec avidité cette liqueur, bien qu’elle se trouve toujours en petite quantité ; mais leur visite ne constitue aucun avantage pour la plante. Or, supposons qu’un certain nombre de plantes d’une espèce quelconque sécrètent cette liqueur ou ce nectar à l’intérieur de leurs fleurs. Les insectes en quête de ce nectar se couvrent de pollen et le transportent alors d’une fleur à une autre. Les fleurs de deux individus distincts de la même espèce se trouvent croisées par ce fait ; or, le croisement, comme il serait facile de le démontrer, engendre des plants vigoureux, qui ont la plus grande chance de vivre et de se perpétuer. Les plantes qui produiraient les fleurs aux glandes les plus larges, et qui, par conséquent, sécréteraient le plus de liqueur, seraient plus souvent visitées par les insectes et se croiseraient plus souvent aussi ; en conséquence, elles finiraient, dans le cours du temps, par l’emporter sur toutes les autres et par former une variété locale. Les fleurs dont les étamines et les pistils seraient placés, par rapport à la grosseur et aux habitudes des insectes qui les visitent, de manière à favoriser, de quelque façon que ce soit, le transport du pollen, seraient pareillement avantagées. Nous aurions pu choisir pour exemple des insectes qui visitent les fleurs en quête du pollen au lieu de la sécrétion sucrée ; le pollen ayant pour seul objet la fécondation, il semble, au premier abord, que sa destruction soit une véritable perte pour la plante. Cependant, si les insectes qui se nourrissent de pollen transportaient de fleur en fleur un peu de cette substance, accidentellement d’abord, habituellement ensuite, et que des croisements fussent le résultat de ces transports, ce serait encore un gain pour la plante que les neuf dixièmes de son pollen fussent détruits. Il en résulterait que les individus qui posséderaient les anthères les plus grosses et la plus grande quantité de pollen, auraient plus de chances de perpétuer leur espèce.

Lorsqu’une plante, par suite de développements successifs,