CHAPITRE VI.
Difficultés soulevées contre l’hypothèse de la descendance avec modifications.
Une foule d’objections se sont sans doute présentées à l’esprit du lecteur avant qu’il en soit arrivé à cette partie de mon ouvrage. Les unes sont si graves, qu’aujourd’hui encore je ne peux y réfléchir sans me sentir quelque peu ébranlé ; mais, autant que j’en peux juger, la plupart ne sont qu’apparentes, et quant aux difficultés réelles, elles ne sont pas, je crois, fatales à l’hypothèse que je soutiens.
On peut grouper ces difficultés et ces objections ainsi qu’il suit :
1o Si les espèces dérivent d’autres espèces par des degrés insensibles, pourquoi ne rencontrons-nous pas d’innombrables formes de transition ? Pourquoi tout n’est-il pas dans la nature à l’état de confusion ? Pourquoi les espèces sont-elles si bien définies ?
2o Est-il possible qu’un animal ayant, par exemple, la conformation et les habitudes de la chauve-souris ait pu se former à la suite de modifications subies par quelque autre animal ayant des habitudes et une conformation toutes différentes ? Pouvons-nous croire que la sélection naturelle puisse produire, d’une part, des organes insignifiants tels que la queue de la girafe, qui sert de chasse-mouches et, d’autre part, un organe aussi important que l’œil ?
3o Les instincts peuvent-ils s’acquérir et se modifier par l’action de la sélection naturelle ? Comment expliquer l’instinct qui