198 | Difficultés de la théorie. |
naturelle, explique un grand nombre de faits autrement inexplicables, il doit admettre que la sélection naturelle a pu produire une conformation aussi parfaite que l’œil d’un aigle, bien que, dans ce cas, nous ne connaissions pas les divers états de transition. On a objecté que, pour que l’œil puisse se modifier tout en restant un instrument parfait, il faut qu’il soit le siège de plusieurs changements simultanés, fait que l’on considère comme irréalisable par la sélection naturelle. Mais, comme j’ai essayé de le démontrer dans mon ouvrage sur les variations des animaux domestiques, il n’est pas nécessaire de supposer que les modifications sont simultanées, à condition qu’elles soient très légères et très graduelles. Différentes sortes de modifications peuvent aussi tendre à un même but général ; ainsi, comme l’a fait remarquer M. Wallace, « si une lentille a un foyer trop court ou trop long, cette différence peut se corriger, soit par une modification de la courbe, soit par une modification de la densité ; si la courbe est irrégulière et que les rayons ne convergent pas vers un même point, toute amélioration dans la régularité de la courbe constitue un progrès. Ainsi, ni la contraction de l’iris, ni les mouvements musculaires de l’œil ne sont essentiels à la vision : ce sont uniquement des progrès qui ont pu s’ajouter et se perfectionner à toutes les époques de la construction de l’appareil. » Dans la plus haute division du règne animal, celle des vertébrés, nous pouvons partir d’un œil si simple, qu’il ne consiste, chez le branchiostome, qu’en un petit sac transparent, pourvu d’un nerf et plein de pigment, mais dépourvu de tout autre appareil. Chez les poissons et chez les reptiles, comme Owen l’a fait remarquer, « la série des gradations des structures dioptriques est considérable. » Un fait significatif, c’est que, même chez l’homme, selon Virchow, qui a une si grande autorité, la magnifique lentille cristalline se forme dans l’embryon par une accumulation de cellules épithéliales logées dans un repli de la peau qui affecte la forme d’un sac ; le corps vitré est formé par un tissu embryonnaire sous-cutané. Toutefois, pour en arriver à une juste conception relativement à la formation de l’œil avec tous ses merveilleux caractères, qui ne sont pas cependant encore absolument parfaits, il faut que la raison l’emporte sur l’imagination ; or, j’ai trop bien senti moi-même combien cela est dif-