Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
  De la beauté. 217

des effets encore plus importants ; c’est là, sans doute, comme H. von Nathusius vient de le démontrer récemment dans son excellent traité, la cause principale des grandes modifications qu’ont subies les races porcines. Mais, nous sommes bien trop ignorants pour pouvoir discuter l’importance relative des causes connues ou inconnues de la variation ; j’ai donc fait les remarques qui précèdent uniquement pour démontrer que, s’il nous est impossible de nous rendre compte des différences caractéristiques de nos races domestiques, bien qu’on admette généralement que ces races descendent directement d’une même souche ou d’un très petit nombre de souches, nous ne devrions pas trop insister sur notre ignorance quant aux causes précises des légères différences analogues qui existent entre les vraies espèces.

JUSQU’À QUEL POINT EST VRAIE LA DOCTRINE UTILITAIRE ; COMMENT S’ACQUIERT LA BEAUTÉ.

Les remarques précédentes m’amènent à dire quelques mots sur la protestation qu’ont faite récemment quelques naturalistes contre la doctrine utilitaire, d’après laquelle chaque détail de conformation a été produit pour le bien de son possesseur. Ils soutiennent que beaucoup de conformations ont été créées par pur amour de la beauté, pour charmer les yeux de l’homme ou ceux du Créateur (ce dernier point, toutefois, est en dehors de toute discussion scientifique) ou par pur amour de la variété, point que nous avons déjà discuté. Si ces doctrines étaient fondées, elles seraient absolument fatales à ma théorie. J’admets complètement que beaucoup de conformations n’ont plus aujourd’hui d’utilité absolue pour leur possesseur, et que, peut-être, elles n’ont jamais été utiles à leurs ancêtres ; mais cela ne prouve pas que ces conformations aient eu uniquement pour cause la beauté ou la variété. Sans aucun doute, l’action définie du changement des conditions et les diverses causes de modifications que nous avons indiquées ont toutes produit un effet probablement très grand, indépendamment des avantages ainsi acquis. Mais, et c’est là une considération encore plus importante, la plus grande partie de l’organisme de chaque créature vivante lui est transmise