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230 Objections diverses.  

avantageuses qui peuvent surgir, ce qui ne peut arriver que dans des circonstances favorables.

Bronn, le célèbre paléontologiste, en terminant la traduction allemande du présent ouvrage, se demande comment, étant donné le principe de la sélection naturelle, une variété peut vivre côte à côte avec l’espèce parente ? Si les deux formes ont pris des habitudes différentes ou se sont adaptées à de nouvelles conditions d’existence, elles peuvent vivre ensemble ; car si nous excluons, d’une part, les espèces polymorphes chez lesquelles la variabilité paraît être d’une nature toute spéciale, et, d’autre part, les variations simplement temporaires, telles que la taille, l’albinisme, etc., les variétés permanentes habitent généralement, à ce que j’ai pu voir, des stations distinctes, telles que des régions élevées ou basses, sèches ou humides. En outre, dans le cas d’animaux essentiellement errants et se croisant librement, les variétés paraissent être généralement confinées dans des régions distinctes.

Bronn insiste aussi sur le fait que les espèces distinctes ne diffèrent jamais par des caractères isolés, mais sous beaucoup de rapports ; il se demande comment il se fait que de nombreux points de l’organisme aient été toujours modifiés simultanément par la variation et par la sélection naturelle. Mais rien n’oblige à supposer que toutes les parties d’un individu se soient modifiées simultanément. Les modifications les plus frappantes, adaptées d’une manière parfaite à un usage donné, peuvent, comme nous l’avons précédemment remarqué, être le résultat de variations successives, légères, apparaissant dans une partie, puis dans une autre ; mais, comme elles se transmettent toutes ensemble, elles nous paraissent s’être simultanément développées. Du reste, la meilleure réponse à faire à cette objection est fournie par les races domestiques qui ont été principalement modifiées dans un but spécial, au moyen de la sélection opérée par l’homme. Voyez le cheval de trait et le cheval de course, ou le lévrier et le dogue. Toute leur charpente et même leurs caractères intellectuels ont été modifiés ; mais, si nous pouvions retracer chaque degré successif de leur transformation — ce que nous pouvons faire pour ceux qui ne remontent pas trop haut dans le passé — nous constaterions des améliorations et des modi-