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  Objections diverses. 265

degré, la sensibilité requise pour répondre à l’action du toucher.

L’enroulement constituant le mode le plus simple de s’élever sur un support et formant la base de notre série, on peut naturellement se demander comment les plantes ont pu acquérir cette aptitude naissante, que plus tard la sélection naturelle a perfectionnée et augmentée. L’aptitude à s’enrouler dépend d’abord de la flexibilité excessive des jeunes tiges (caractère commun à beaucoup de plantes qui ne sont pas grimpantes) ; elle dépend ensuite de ce que ces tiges se tordent constamment pour se diriger dans toutes les directions, successivement l’une après l’autre, dans le même ordre. Ce mouvement a pour résultat l’inclinaison des tiges de tous côtés et détermine chez elles une rotation suivie. Dès que la portion inférieure de la tige rencontre un obstacle qui l’arrête, la partie supérieure continue à se tordre et à tourner, et s’enroule nécessairement ainsi en montant autour du support. Le mouvement rotatoire cesse après la croissance précoce de chaque rejeton. Cette aptitude à la rotation et la faculté de grimper qui en est la conséquence, se rencontrant isolément chez des espèces et chez des genres distincts, qui appartiennent à des familles de plantes fort éloignées les unes des autres, ont dû être acquises d’une manière indépendante, et non par hérédité d’un ancêtre commun. Cela me conduisit à penser qu’une légère tendance à ce genre de mouvement ne doit pas être rare chez les plantes non grimpantes, et que cette tendance doit fournir à la sélection naturelle la base sur laquelle elle peut opérer pour la perfectionner. Je ne connaissais, lorsque je fis cette réflexion, qu’un seul cas fort imparfait, celui des jeunes pédoncules floraux du Maurandia, qui tournent légèrement et irrégulièrement, comme les tiges des plantes grimpantes, mais sans faire aucun usage de cette aptitude. Fritz Müller découvrit peu après que les jeunes tiges d’un Alisma et d’un Linum — plantes non grimpantes et fort éloignées l’une de l’autre dans le système naturel — sont affectées d’un mouvement de rotation bien apparent, mais irrégulier ; il ajoute qu’il a des raisons pour croire que cette même aptitude existe chez d’autres plantes. Ces légers mouvements paraissent ne rendre aucun service à ces plantes, en tous cas ils ne leur permettent en aucune façon de grimper, point dont nous nous occupons. Néanmoins, nous comprenons que si les tiges de