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  Instincts spéciaux. 289

dans la promiscuité la plus absolue, ou qu’ils s’accouplent quelquefois. Tantôt ils se construisent un nid particulier, tantôt ils s’emparent de celui d’un autre oiseau, en jetant dehors la couvée qu’il contient, et y pondent leurs œufs, ou construisent bizarrement à son sommet un nid à leur usage. Ils couvent ordinairement leurs œufs et élèvent leurs jeunes ; mais M. Hudson dit qu’à l’occasion ils sont probablement parasites, car il a observé des jeunes de cette espèce accompagnant des oiseaux adultes d’une autre espèce et criant pour que ceux-ci leur donnent des aliments. Les habitudes parasites d’une autre espèce de Molothrus, le Molothrus bonariensis, sont beaucoup plus développées, sans être cependant parfaites. Celui-ci, autant qu’on peut le savoir, pond invariablement dans des nids étrangers. Fait curieux, plusieurs se réunissent quelquefois pour commencer la construction d’un nid irrégulier et mal conditionné, placé dans des situations singulièrement mal choisies, sur les feuilles d’un grand chardon par exemple. Toutefois, autant que M. Hudson a pu s’en assurer, ils n’achèvent jamais leur nid. Ils pondent souvent un si grand nombre d’œufs — de quinze à vingt — dans le même nid étranger, qu’il n’en peut éclore qu’un petit nombre. Ils ont de plus l’habitude extraordinaire de crever à coups de bec les œufs qu’ils trouvent dans les nids étrangers sans épargner même ceux de leur propre espèce. Les femelles déposent aussi sur le sol beaucoup d’œufs, qui se trouvent perdus. Une troisième espèce, le Molothrus pecoris de l’Amérique du Nord, a acquis des instincts aussi parfaits que ceux du coucou, en ce qu’il ne pond pas plus d’un œuf dans un nid étranger, ce qui assure l’élevage certain du jeune oiseau. M. Hudson, qui est un grand adversaire de l’évolution, a été, cependant, si frappé de l’imperfection des instincts du Molothrus bonariensis, qu’il se demande, en citant mes paroles : « Faut-il considérer ces habitudes, non comme des instincts créés de toutes pièces, dont a été doué l’animal, mais comme de faibles conséquences d’une loi générale, à savoir : la transition ? »

Différents oiseaux, comme nous l’avons déjà fait remarquer, déposent accidentellement leurs œufs dans les nids d’autres oiseaux. Cette habitude n’est pas très rare chez les gallinacés et explique l’instinct singulier qui s’observe chez l’autruche. Plu-