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  Causes de la stérilité. 337

voisins, bien que très différents. Il est une ancienne croyance très répandue, et qui repose sur un ensemble considérable de preuves, c’est que de légers changements dans les conditions d’existence sont avantageux pour tous les êtres vivants. Nous en voyons l’application dans l’habitude qu’ont les fermiers et les jardiniers de faire passer fréquemment leurs graines, leurs tubercules, etc., d’un sol ou d’un climat à un autre, et réciproquement. Le moindre changement dans les conditions d’existence exerce toujours un excellent effet sur les animaux en convalescence. De même, aussi bien chez les animaux que chez les plantes, il est évident qu’un croisement entre deux individus d’une même espèce, différant un peu l’un de l’autre, donne une grande vigueur et une grande fécondité à la postérité qui en provient ; l’accouplement entre individus très proches parents, continué pendant plusieurs générations, surtout lorsqu’on les maintient dans les mêmes conditions d’existence, entraîne presque toujours l’affaiblissement et la stérilité des descendants.

Il semble donc que, d’une part, de légers changements dans les conditions d’existence sont avantageux à tous les êtres organisés, et que, d’autre part, de légers croisements, c’est-à-dire des croisements entre mâles et femelles d’une même espèce, qui ont été placés dans des conditions d’existence un peu différentes ou qui ont légèrement varié, ajoutent à la vigueur et à la fécondité des produits. Mais, comme nous l’avons vu, les êtres organisés à l’état de nature, habitués depuis longtemps à certaines conditions uniformes, tendent à devenir plus ou moins stériles quand ils sont soumis à un changement considérable de ces conditions, quand ils sont réduits en captivité, par exemple ; nous savons, en outre, que des croisements entre mâles et femelles très éloignés, c’est-à-dire spécifiquement différents, produisent généralement des hybrides plus ou moins stériles. Je suis convaincu que ce double parallélisme n’est ni accidentel ni illusoire. Quiconque pourra expliquer pourquoi, lorsqu’ils sont soumis à une captivité partielle dans leur pays natal, l’éléphant et une foule d’autres animaux sont incapables de se reproduire, pourra expliquer aussi la cause première de la stérilité si ordinaire des hybrides. Il pourra expliquer, en même temps, comment il se fait que quelques-unes de nos races domestiques, souvent soumises à des conditions