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344 Hybridité.  

même tendance ; bien que, dans certains cas, et chez des espèces douées d’une constitution particulière, la stérilité puisse avoir été le résultat de ces mêmes causes. Ceci, je le crois, nous explique pourquoi il ne s’est pas produit, chez les animaux domestiques, des variétés mutuellement stériles, et pourquoi, chez les plantes cultivées, on n’en a observé que certains cas, que nous signalerons un peu plus loin.

La véritable difficulté à résoudre dans la question qui nous occupe n’est pas, selon moi, d’expliquer comment il se fait que les variétés domestiques croisées ne sont pas devenues réciproquement stériles, mais, plutôt, comment il se fait que cette stérilité soit générale chez les variétés naturelles, aussitôt qu’elles ont été suffisamment modifiées de façon permanente pour prendre rang d’espèces. Notre profonde ignorance, à l’égard de l’action normale ou anormale du système reproducteur, nous empêche de comprendre la cause précise de ce phénomène. Toutefois, nous pouvons supposer que, par suite de la lutte pour l’existence qu’elles ont à soutenir contre de nombreux concurrents, les espèces sauvages ont dû être soumises pendant de longues périodes à des conditions plus uniformes que ne l’ont été les variétés domestiques ; circonstance qui a pu modifier considérablement le résultat définitif. Nous savons, en effet, que les animaux et les plantes sauvages, enlevés à leurs conditions naturelles et réduits en captivité, deviennent ordinairement stériles ; or, les organes reproducteurs, qui ont toujours vécu dans des conditions naturelles, doivent probablement aussi être extrêmement sensibles à l’influence d’un croisement artificiel. On pouvait s’attendre, d’autre part, à ce que les produits domestiques qui, ainsi que le prouve le fait même de leur domestication, n’ont pas dû être, dans le principe, très sensibles à des changements des conditions d’existence, et qui résistent actuellement encore, sans préjudice pour leur fécondité, à des modifications répétées de ces mêmes conditions, dussent produire des variétés moins susceptibles d’avoir le système reproducteur affecté par un acte de croisement avec d’autres variétés de provenance analogue.

J’ai parlé jusqu’ici comme si les variétés d’une même espèce étaient invariablement fécondes lorsqu’on les croise. On ne