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  races du pigeon domestique. 25

de leur conformation, présentent cependant avec lui de grandes anomalies sur d’autres points. On chercherait en vain, dans toute la grande famille des colombides, un bec semblable à celui du Messager anglais, du Culbutant courte-face ou du Barbe ; des plumes retroussées analogues à celles du Jacobin ; un jabot pareil à celui du Grosse-gorge ; des plumes caudales comparables à celles du pigeon Paon. Il faudrait donc admettre, non seulement que des hommes à demi sauvages ont réussi à apprivoiser complètement plusieurs espèces, mais que, par hasard ou avec intention ; ils ont choisi les espèces les plus extraordinaires et les plus anormales ; il faudrait admettre, en outre, que toutes ces espèces se sont éteintes depuis ou sont restées inconnues. Un tel concours de circonstances extraordinaires est improbable au plus haut degré.

Quelques faits relatifs à la couleur des pigeons méritent d’être signalés. Le Biset est bleu-ardoise avec les reins blancs ; chez la sous-espèce indienne, le Columba intermedia de Strickland, les reins sont bleuâtres ; la queue porte une barre foncée terminale et les plumes des côtés sont extérieurement bordées de blanc à leur base ; les ailes ont deux barres noires. Chez quelques races à demi domestiques, ainsi que chez quelques autres absolument sauvages, les ailes, outre les deux barres noires, sont tachetées de noir. Ces divers signes ne se trouvent réunis chez aucune autre espèce de la famille. Or, tous les signes que nous venons d’indiquer sont parfois réunis et parfaitement développés, jusqu’au bord blanc des plumes extérieures de la queue, chez les oiseaux de race pure appartenant à toutes nos races domestiques. En outre, lorsque l’on croise des pigeons, appartenant à deux ou plusieurs races distinctes, n’offrant ni la coloration bleue, ni aucune des marques dont nous venons de parler, les produits de ces croisements se montrent très disposés à acquérir soudainement ces caractères. Je me bornerai à citer un exemple que j’ai moi-même observé au milieu de tant d’autres. J’ai croisé quelques pigeons Paons blancs de race très pure avec quelques Barbes noirs — les variétés bleues du Barbe sont si rares, que je n’en connais pas un seul cas en Angleterre — : les oiseaux que j’obtins étaient noirs, bruns et tachetés. Je croisai de même un Barbe avec un pigeon Spot, qui est un oiseau blanc avec la