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414 Succession géologique des êtres organisés.  

nent le premier rang aux téléostéens. Les ganoïdes sont placés entre les sélaciens et les téléostéens ; ces derniers sont actuellement très prépondérants quant au nombre, mais autrefois les sélaciens et les ganoïdes existaient seuls ; par conséquent, suivant le type de supériorité qu’on aura choisi, on pourra dire que l’organisation des poissons a progressé ou rétrogradé. Il semble complètement impossible de juger de la supériorité relative des types appartenant à des classes distinctes ; car qui pourra, par exemple, décider si une seiche est plus élevée qu’une abeille, cet insecte auquel von Baer attribuait, « une organisation supérieure à celle d’un poisson, bien que construit sur un tout autre modèle ? » Dans la lutte complexe pour l’existence, il est parfaitement possible que des crustacés, même peu élevés dans leur classe, puissent vaincre les céphalopodes, qui constituent le type supérieur des mollusques ; ces crustacés, bien qu’ayant un développement inférieur, occupent un rang très élevé dans l’échelle des invertébrés, si l’on en juge d’après l’épreuve la plus décisive de toutes, la loi du combat. Outre ces difficultés inhérentes qui se présentent lorsqu’il s’agit de déterminer quelles sont les formes les plus élevées par leur organisation, il ne faut pas seulement comparer les membres supérieurs d’une classe à deux époques quelconques — bien que ce soit là, sans doute, le fait le plus important à considérer dans la balance — mais il faut encore comparer entre eux tous les membres de la même classe, supérieurs et inférieurs, pendant l’une et l’autre période. À une époque reculée, les mollusques les plus élevés et les plus inférieurs, les céphalopodes et les brachiopodes, fourmillaient en nombre ; actuellement, ces deux ordres ont beaucoup diminué, tandis que d’autres, dont l’organisation est intermédiaire, ont considérablement augmenté. Quelques naturalistes soutiennent en conséquence que les mollusques présentaient autrefois une organisation supérieure à celle qu’ils ont aujourd’hui. Mais on peut fournir à l’appui de l’opinion contraire l’argument bien plus fort basé sur le fait de l’énorme réduction des mollusques inférieurs, et le fait que les céphalopodes existants, quoique peu nombreux, présentent une organisation beaucoup plus élevée que ne l’était celle de leurs anciens représentants. Il faut aussi comparer les nombres proportionnels des classes supérieures et in-