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  Considérations générales. 429

sable. La variabilité de chaque espèce est une propriété indépendante dont la sélection naturelle ne s’empare qu’autant qu’il en résulte un avantage pour l’individu dans sa lutte complexe pour l’existence ; la somme des modifications chez des espèces différentes ne doit donc nullement être uniforme. Si un certain nombre d’espèces, après avoir été longtemps en concurrence les unes avec les autres dans leur ancien habitat émigraient dans une région nouvelle qui, plus tard, se trouverait isolée, elles seraient peu sujettes à des modifications, car ni la migration ni l’isolement ne peuvent rien par eux-mêmes. Ces causes n’agissent qu’en amenant les organismes à avoir de nouveaux rapports les uns avec les autres, et, à un moindre degré, avec les conditions physiques ambiantes. De même que nous avons vu, dans le chapitre précédent, que quelques formes ont conservé à peu près les mêmes caractères depuis une époque géologique prodigieusement reculée, de même certaines espèces se sont disséminées sur d’immenses espaces, sans se modifier beaucoup, ou même sans avoir éprouvé aucun changement.

En partant de ces principes, il est évident que les différentes espèces d’un même genre, bien qu’habitant les points du globe les plus éloignés, doivent avoir la même origine, puisqu’elles descendent d’un même ancêtre. À l’égard des espèces qui n’ont éprouvé que peu de modifications pendant des périodes géologiques entières, il n’y a pas de grande difficulté à admettre qu’elles ont émigré d’une même région ; car, pendant les immenses changements géographiques et climatériques qui sont survenus depuis les temps anciens, toutes les migrations, quelque considérables qu’elles soient, ont été possibles. Mais, dans beaucoup d’autres cas où nous avons des raisons de penser que les espèces d’un genre se sont produites à des époques relativement récentes cette question présente de grandes difficultés.

Il est évident que les individus appartenant à une même espèce, bien qu’habitant habituellement des régions éloignées et séparées, doivent provenir d’un seul point, celui où ont existé leurs parents ; car, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, il serait inadmissible que des individus absolument identiques eussent pu être produits par des parents spécifiquement distincts.