Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/458

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
440 Distribution géographique.  

Pendant deux ou trois jours, elles décrivirent lentement dans les airs une immense ellipse ayant 5 ou 6 kilomètres de diamètre, et le soir s’abattirent sur les arbres les plus élevés, qui en furent bientôt couverts. Elles disparurent ensuite aussi subitement qu’elles étaient venues et n’ont pas depuis reparu dans l’île. Or, les fermiers de certaines parties du Natal croient, sans preuves bien suffisantes toutefois, que des graines nuisibles sont introduites dans leurs prairies par les excréments qu’y laissent les immenses vols de sauterelles qui souvent envahissent le pays. M. Weale m’ayant, pour expérimenter ce fait, envoyé un paquet de boulettes sèches provenant de ces insectes, j’y trouvai, en les examinant à l’aide du microscope, plusieurs graines qui me donnèrent sept graminées appartenant à deux espèces et à deux genres. Une invasion de sauterelles, comme celle qui a eu lieu à Madère, pourrait donc facilement introduire plusieurs sortes de plantes dans une île située très loin du continent.

Bien que le bec et les pattes des oiseaux soient généralement propres, il y adhère parfois un peu de terre ; j’ai, dans une occasion, enlevé environ 4 grammes, et dans une autre 1g,4 de terre argileuse sur la patte d’une perdrix ; dans cette terre, se trouvait un caillou de la grosseur d’une graine de vesce. Voici un exemple plus frappant : un ami m’a envoyé la patte d’une bécasse à laquelle était attaché un fragment de terre sèche pesant 58 centigrammes seulement, mais qui contenait une graine de Juncus bufonius, qui germa et fleurit. M. Swaysland, de Brighton, qui depuis quarante ans étudie avec beaucoup de soin nos oiseaux de passage, m’informe qu’ayant souvent tiré des hoche-queues (Motacillæ), des motteux et des tariers (Saxicolæ), à leur arrivée, avant qu’ils se soient abattus sur nos côtes, il a plusieurs fois remarqué qu’ils portent aux pattes de petites parcelles de terre sèche. On pourrait citer beaucoup de faits qui montrent combien le sol est presque partout chargé de graines. Le professeur Newton, par exemple, m’a envoyé une patte de perdrix (Caccabis rufa) devenue, à la suite d’une blessure, incapable de voler, et à laquelle adhérait une boule de terre durcie qui pesait environ 200 grammes. Cette terre, qui avait été gardée trois ans, fut ensuite brisée, arrosée et placée sous une cloche de verre ; il n’en leva pas moins de quatre-vingt-deux plantes,