races du pigeon domestique. | 29 |
aussi peu disposé à admettre, sachant avec quelle fidélité les diverses races se reproduisent, qu’elles descendent toutes d’une même espèce mère et qu’elles se sont formées depuis qu’elles sont réduites en domesticité, que le serait tout naturaliste à accepter la même conclusion à l’égard des nombreuses espèces de passereaux ou de tout autre groupe naturel d’oiseaux sauvages. Une circonstance m’a surtout frappé, c’est que la plupart des éleveurs d’animaux domestiques, ou les cultivateurs avec lesquels je me suis entretenu, ou dont j’ai lu les ouvrages, sont tous fermement convaincus que les différentes races, dont chacun d’eux s’est spécialement occupé, descendent d’autant d’espèces primitivement distinctes. Demandez, ainsi que je l’ai fait, à un célèbre éleveur de bœufs de Hereford, s’il ne pourrait pas se faire que son bétail descendît d’une race à longues cornes, ou que les deux races descendissent d’une souche parente commune, et il se moquera de vous. Je n’ai jamais rencontré un éleveur de pigeons, de volailles, de canards ou de lapins qui ne fût intimement convaincu que chaque race principale descend d’une espèce distincte. Van Mons, dans son traité sur les poires et sur les pommes, se refuse catégoriquement à croire que différentes sortes, un pippin Ribston et une pomme Codlin, par exemple, puissent descendre des graines d’un même arbre. On pourrait citer une infinité d’autres exemples. L’explication de ce fait me paraît simple : fortement impressionnés, en raison de leurs longues études, par les différences qui existent entre les diverses races, et quoique sachant bien que chacune d’elles varie légèrement, puisqu’ils ne gagnent des prix dans les concours qu’en choisissant avec soin ces légères différences, les éleveurs ignorent cependant les principes généraux, et se refusent à évaluer les légères différences qui se sont accumulées pendant un grand nombre de générations successives. Les naturalistes, qui en savent bien moins que les éleveurs sur les lois de l’hérédité, qui n’en savent pas plus sur les chaînons intermédiaires qui relient les unes aux autres de longues lignées généalogiques, et qui, cependant, admettent que la plupart de nos races domestiques descendent d’un même type, ne pourraient-ils pas devenir un peu plus prudents et cesser de tourner en dérision l’opinion qu’une espèce, à l’état de nature, puisse être la postérité directe d’autres espèces ?