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458 Distribution géographique.  

tempérées ont pu atteindre l’équateur. Un petit nombre d’entre eux ont pu peut-être s’avancer immédiatement plus au sud en se maintenant dans les courants plus froids, pendant que d’autres sont restés stationnaires à des profondeurs où la température était moins élevée et y ont survécu jusqu’à ce qu’une période glaciaire, commençant dans l’hémisphère austral, leur ait permis de continuer leur marche ultérieure vers le sud. Les choses se seraient passées de la même manière que pour ces espaces isolés qui, selon Forbes, existent de nos jours dans les parties les plus profondes de nos mers tempérées, parties peuplées de productions arctiques.

Je suis loin de croire que les hypothèses qui précèdent lèvent toutes les difficultés que présentent la distribution et les affinités des espèces identiques et alliées qui vivent aujourd’hui à de si grandes distances dans les deux hémisphères et quelquefois sur les chaînes de montagnes intermédiaires. On ne saurait tracer les routes exactes des migrations, ni dire pourquoi certaines espèces et non d’autres ont émigré ; pourquoi certaines espèces se sont modifiées et ont produit des formes nouvelles, tandis que d’autres sont restées intactes. Nous ne pouvons espérer l’explication de faits de cette nature que lorsque nous saurons dire pourquoi l’homme peut acclimater dans un pays étranger telle espèce et non pas telle autre ; pourquoi telle espèce se répand deux ou trois fois plus loin, ou est deux ou trois fois plus abondante que telle autre, bien que toutes deux soient placées dans leurs conditions naturelles.

Il reste encore diverses difficultés spéciales à résoudre : la présence, par exemple, d’après le docteur Hooker, des mêmes plantes sur des points aussi prodigieusement éloignés que le sont la terre de Kerguelen, la Nouvelle-Zélande et la Terre de Feu ; mais, comme le suggère Lyell, les glaces flottantes peuvent avoir contribué à leur dispersion. L’existence, sur ces mêmes points et sur plusieurs autres encore de l’hémisphère austral, d’espèces qui, quoique distinctes, font partie de genres exclusivement restreints à cet hémisphère, constitue un fait encore plus remarquable. Quelques-unes de ces espèces sont si distinctes, que nous ne pouvons pas supposer que le temps écoulé depuis le commencement de la dernière période glaciaire ait été suffisant