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  principes de la sélection. 31

ment si agréables à ses yeux, il faut chercher, je crois, quelque chose de plus qu’un simple effet de variabilité. Nous ne pouvons supposer, en effet, que toutes ces races ont été soudainement produites avec toute la perfection et toute l’utilité qu’elles ont aujourd’hui ; nous savons même, dans bien des cas, qu’il n’en a pas été ainsi. Le pouvoir de sélection, d’accumulation, que possède l’homme, est la clef de ce problème ; la nature fournit les variations successives, l’homme les accumule dans certaines directions qui lui sont utiles. Dans ce sens, on peut dire que l’homme crée à son profit des races utiles.

La grande valeur de ce principe de sélection n’est pas hypothétique. Il est certain que plusieurs de nos éleveurs les plus éminents ont, pendant le cours d’une seule vie d’homme, considérablement modifié leurs bestiaux et leurs moutons. Pour bien comprendre les résultats qu’ils ont obtenus, il est indispensable de lire quelques-uns des nombreux ouvrages qu’ils ont consacrés à ce sujet et de voir les animaux eux-mêmes. Les éleveurs considèrent ordinairement l’organisme d’un animal comme un élément plastique, qu’ils peuvent modifier presque à leur gré. Si je n’étais borné par l’espace, je pourrais citer, à ce sujet, de nombreux exemples empruntés à des autorités hautement compétentes. Youatt, qui, plus que tout autre peut-être, connaissait les travaux des agriculteurs et qui était lui-même un excellent juge en fait d’animaux, admet que le principe de la sélection « permet à l’agriculteur, non seulement de modifier le caractère de son troupeau, mais de le transformer entièrement. C’est la baguette magique au moyen de laquelle il peut appeler à la vie les formes et les modèles qui lui plaisent. » Lord Somerville dit, à propos de ce que les éleveurs ont fait pour le mouton : « Il semblerait qu’ils aient tracé l’esquisse d’une forme parfaite en soi, puis qu’ils lui ont donné l’existence. » En Saxe, on comprend si bien l’importance du principe de la sélection, relativement au mouton mérinos, qu’on en a fait une profession ; on place le mouton sur une table et un connaisseur l’étudie comme il ferait d’un tableau ; on répète cet examen trois fois par an, et chaque fois on marque et l’on classe les moutons de façon à choisir les plus parfaits pour la reproduction.

Le prix énorme attribué aux animaux dont la généalogie est