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  Absence d’ordres entiers dans les îles. 473

des chauves-souris endémiques, en l’absence de tout autre mammifère terrestre.

Il y a encore d’autres rapports intéressants à constater entre la profondeur des bras de mer qui séparent les îles, soit les unes des autres, soit des continents les plus voisins, et le degré d’affinité des mammifères qui les habitent. M. Windsor Earl a fait sur ce point quelques observations remarquables, observations considérablement développées depuis par les belles recherches de M. Wallace sur le grand archipel malais, lequel est traversé, près des Célèbes, par un bras de mer profond, qui marque une séparation complète entre deux faunes très distinctes de mammifères. De chaque côté de ce bras de mer, les îles reposent sur un banc sous-marin ayant une profondeur moyenne, et sont peuplées de mammifères identiques ou très étroitement alliés. Je n’ai pas encore eu le temps d’étudier ce sujet pour toutes les parties du globe, mais jusqu’à présent j’ai trouvé que le rapport est assez général. Ainsi, les mammifères sont les mêmes en Angleterre que dans le reste de l’Europe, dont elle n’est séparée que par un détroit peu profond ; il en est de même pour toutes les îles situées près des côtes de l’Australie. D’autre part, les îles formant les Indes occidentales sont situées sur un banc submergé à une profondeur d’environ 1000 brasses ; nous y trouvons les formes américaines, mais les espèces et même les genres sont tout à fait distincts. Or, comme la somme des modifications que les animaux de tous genres peuvent éprouver dépend surtout du laps de temps écoulé, et que les îles séparées du continent ou des îles voisines par des eaux peu profondes ont dû probablement former une région continue à une époque plus récente que celles qui sont séparées par des détroits d’une grande profondeur, il est facile de comprendre qu’il doive exister un rapport entre la profondeur de la mer séparant deux faunes de mammifères, et le degré de leurs affinités ; — rapport qui, dans la théorie des créations indépendantes, demeure inexplicable.

Les faits qui précèdent relativement aux habitants des îles océaniques, c’est-à-dire : le petit nombre des espèces, joint à la forte proportion des formes endémiques, — les modifications qu’ont subies les membres de certains groupes, sans que d’au-