Aller au contenu

Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/510

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
492 Affinités mutuelles des êtres organisés.  

point de vue de la classification. Ainsi, il n’est pas douteux que les dents rudimentaires qui se rencontrent à la mâchoire supérieure des jeunes ruminants, et certains os rudimentaires de leur jambe, ne soient fort utiles pour démontrer l’affinité étroite qui existe entre les ruminants et les pachydermes. Robert Brown a fortement insisté sur l’importance qu’a, dans la classification des graminées, la position des fleurettes rudimentaires.

On pourrait citer de nombreux exemples de caractères tirés de parties qui n’ont qu’une importance physiologique insignifiante, mais dont chacun reconnaît l’immense utilité pour la définition de groupes entiers. Ainsi, la présence ou l’absence d’une ouverture entre les fosses nasales et la bouche, le seul caractère, d’après Owen, qui distingue absolument les poissons des reptiles, — l’inflexion de l’angle de la mâchoire chez les marsupiaux, — la manière dont les ailes sont pliées chez les insectes, — la couleur chez certaines algues, — la seule pubescence sur certaines parties de la fleur chez les plantes herbacées, — la nature du vêtement épidermique, tel que les poils ou les plumes, chez les vertébrés. Si l’ornithorhynque avait été couvert de plumes au lieu de poils, ce caractère externe et insignifiant aurait été regardé par les naturalistes comme d’un grand secours pour la détermination du degré d’affinité que cet étrange animal présente avec les oiseaux.

L’importance qu’ont, pour la classification, les caractères insignifiants, dépend principalement de leur corrélation avec beaucoup d’autres caractères qui ont une importance plus ou moins grande. Il est évident, en effet, que l’ensemble de plusieurs caractères doit souvent, en histoire naturelle, avoir une grande valeur. Aussi, comme on en a souvent fait la remarque, une espèce peut s’écarter de ses alliées par plusieurs caractères ayant une haute importance physiologique ou remarquables par leur prévalence universelle, sans que cependant nous ayons le moindre doute sur la place où elle doit être classée. C’est encore la raison pour laquelle tous les essais de classification basés sur un caractère unique, quelle qu’en puisse être l’importance, ont toujours échoué, aucune partie de l’organisation n’ayant une constance invariable. L’importance d’un ensemble de caractères, même quand chacun d’eux a une faible valeur, explique seule cet apho-