Aller au contenu

Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
526 Affinités mutuelles des êtres organisés.  

diffèrent autant les uns des autres que les animaux adultes ; mais j’ai pu constater par des mesures précises, prises sur des juments des deux races et sur leurs poulains âgés de trois jours, que ce n’est en aucune façon le cas.

Comme nous possédons la preuve certaine que les races de pigeons descendent d’une seule espèce sauvage, j’ai comparé les jeunes pigeons de diverses races douze heures après leur éclosion. J’ai mesuré avec soin les dimensions du bec et de son ouverture, la longueur des narines et des paupières, celle des pattes, et la grosseur des pieds, chez des individus de l’espèce sauvage, chez des grosses-gorges, des paons, des runts, des barbes, des dragons, des messagers et des culbutants. Quelques-uns de ces oiseaux, à l’état adulte, diffèrent par la longueur et la forme du bec, et par plusieurs autres caractères, à un point tel que, trouvés à l’état de nature, on les classerait sans aucun doute dans des genres distincts. Mais, bien qu’on puisse distinguer pour la plupart les pigeons nouvellement éclos de ces diverses races, si on les place les uns auprès des autres, ils présentent, sur les points précédemment indiqués, des différences proportionnelles incomparablement moindres que les oiseaux adultes. Quelques traits caractéristiques, tels que la largeur du bec, sont à peine saisissables chez les jeunes. Je n’ai constaté qu’une seule exception remarquable à cette règle, c’est que les jeunes culbutants à courte face diffèrent presque autant que les adultes des jeunes du biset sauvage et de ceux des autres races.

Les deux principes déjà mentionnés expliquent ces faits. Les amateurs choisissent leurs chiens, leurs chevaux, leurs pigeons reproducteurs, etc., lorsqu’ils ont déjà presque atteint l’âge adulte ; peu leur importe que les qualités qu’ils désirent soient acquises plus tôt ou plus tard, pourvu que l’animal adulte les possède. Les exemples précédents, et surtout celui des pigeons, prouvent que les différences caractéristiques qui ont été accumulées par la sélection de l’homme et qui donnent aux races leur valeur, n’apparaissent pas généralement à une période précoce de la vie, et deviennent héréditaires à un âge correspondant et assez avancé. Mais l’exemple du culbutant courte face, qui possède déjà ses caractères propres à l’âge de douze heures, prouve que cette règle n’est pas universelle ; chez lui, en effet,