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  Conclusions. 573

Nous ne possédons ni généalogies ni armoiries, et nous avons à découvrir et à retracer les nombreuses lignes divergentes de descendances dans nos généalogies naturelles, à l’aide des caractères de toute nature qui ont été conservés et transmis par une longue hérédité. Les organes rudimentaires témoigneront d’une manière infaillible quant à la nature de conformations depuis longtemps perdues. Les espèces ou groupes d’espèces dites aberrantes, qu’on pourrait appeler des fossiles vivants, nous aideront à reconstituer l’image des anciennes formes de la vie. L’embryologie nous révélera souvent la conformation, obscurcie dans une certaine mesure, des prototypes de chacune des grandes classes.

Lorsque nous serons certains que tous les individus de la même espèce et toutes les espèces étroitement alliées d’un même genre sont, dans les limites d’une époque relativement récente, descendus d’un commun ancêtre et ont émigré d’un berceau unique, lorsque nous connaîtrons mieux aussi les divers moyens de migration, nous pourrons alors, à l’aide des lumières que la géologie nous fournit actuellement et qu’elle continuera à nous fournir sur les changements survenus autrefois dans les climats et dans le niveau des terres, arriver à retracer admirablement les migrations antérieures du monde entier. Déjà, maintenant, nous pouvons obtenir quelques notions sur l’ancienne géographie, en comparant les différences des habitants de la mer qui occupent les côtes opposées d’un continent et la nature des diverses populations de ce continent, relativement à leurs moyens apparents d’immigration.

La noble science de la géologie laisse à désirer par suite de l’extrême pauvreté de ses archives. La croûte terrestre, avec ses restes enfouis, ne doit pas être considérée comme un musée bien rempli, mais comme une maigre collection faite au hasard et à de rares intervalles. On reconnaîtra que l’accumulation de chaque grande formation fossilifère a dû dépendre d’un concours exceptionnel de conditions favorables, et que les lacunes qui correspondent aux intervalles écoulés entre les dépôts des étages successifs ont eu une durée énorme. Mais nous pourrons évaluer leur durée avec quelque certitude en comparant les formes organiques qui ont précédé ces lacunes et celles qui les ont suivies. Il faut être très prudent quand il s’agit d’établir une corrélation de