Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/169

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récent de la période de la barbarie. Après avoir cédé à certaines tentations, nous éprouvons un sentiment de mécontentement, de honte, de repentir ou de remords, sentiment analogue à celui que nous ressentons quand un instinct n’est pas satisfait ; nous ne pouvons pas, en effet, empêcher les impressions et les images du passé de se représenter continuellement à notre esprit ; nous ne pouvons nous empêcher de les comparer, dans cet état affaibli, avec les instincts sociaux toujours présents, ou avec des habitudes contractées dès la première jeunesse, héréditaires peut-être, fortifiées pendant toute la vie, et rendues ainsi presque aussi énergiques que des instincts. Si nous ne cédons pas à la tentation, c’est que l’instinct social ou quelque habitude l’emporte en ce moment en nous, ou parce que nous avons appris à comprendre que cet instinct nous paraîtra le plus fort quand nous le comparerons à l’impression affaiblie de la tentation et que nous savons que nous éprouverons un chagrin si nous avons violé cet instinct. Il n’y a pas lieu de craindre que les instincts sociaux s’affaiblissent chez les générations futures, et nous pouvons même admettre que les habitudes vertueuses croîtront et se fixeront peut-être par l’hérédité. Dans ce cas, la lutte entre nos impulsions élevées et nos impulsions inférieures deviendra moins violente et la vertu triomphera.


Résumé des deux derniers chapitres. — On ne peut douter qu’il existe une immense différence entre l’intelligence de l’homme le plus sauvage et celle de l’animal le plus élevé. Si un singe anthropomorphe pouvait se juger d’une manière impartiale, il admettrait que, bien que capable de combiner un plan ingénieux pour piller un jardin, de se servir de pierres pour combattre ou pour casser des noix, l’idée de façonner une pierre pour en faire un outil serait tout à fait en dehors de sa portée. Encore moins pourrait-il suivre un raisonnement métaphysique, résoudre un problème de mathématiques, réfléchir sur Dieu, ou admirer une scène imposante de la nature. Quelques singes, toutefois, déclareraient probablement qu’ils sont aptes à admirer, et qu’ils admirent la beauté des couleurs de la peau et de la fourrure de leurs compagnes. Ils admettraient que, bien qu’ils soient à même de faire comprendre par des cris à d’autres singes quelques-unes de leurs perceptions ou quelques-uns de leurs besoins les plus simples, jamais la pensée d’exprimer des idées définies par des sons déterminés n’a traversé

    d’Argyll (Primeval Man, 1869, p. 188) fait quelques excellentes remarques sur la lutte entre le bien et le mal dans la nature de l’homme.