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une forme ancienne, qui aurait possédé beaucoup de caractères communs aux singes catarrhinins et aux singes platyrrhinins, et ; d’autres singes intermédiaires, outre qu’elle aurait possédé quelques autres caractères distincts de ceux qu’on observe actuellement chez chacun de ces groupes. Or, comme, au point de vue généalogique, l’homme appartient au groupe catarrhinin, ou groupe de l’ancien monde, nous devons conclure, quelque atteinte que puisse en ressentir notre orgueil, que nos ancêtres primitifs auraient, à bon droit, porté le nom de singes[1]. Mais il ne faudrait pas supposer que l’ancêtre primitif de tout le groupe simien, y compris l’homme, ait été identique, ou même ressemblât de près, à aucun singe existant.


Patrie et antiquité de l’homme. — Nous sommes naturellement amenés à rechercher quelle a pu être la patrie primitive de l’homme, alors que nos ancêtres se sont écartés du groupe catarrhinin. Le fait qu’ils faisaient partie de ce groupe prouve clairement qu’ils habitaient l’ancien monde, mais ni l’Australie, ni aucune île océanique, ainsi que nous pouvons le prouver par les lois de la distribution géographique. Dans toutes les grandes régions du globe, les mammifères vivants se rapprochent beaucoup des espèces éteintes de la même région. Il est donc probable que l’Afrique a autrefois été habitée par des singes disparus très voisins du gorille et du chimpanzé ; or, comme ces deux espèces sont actuellement celles qui se rapprochent le plus de l’homme, il est probable que nos ancêtres primitifs ont vécu sur le continent africain plutôt que partout ailleurs. Il est inutile, d’ailleurs, de discuter longuement cette question, car, pendant l’époque miocène supérieure, un singe presque aussi grand que l’homme, voisin des Hylobates anthropomorphes, le Dryopithèque de Lartet[2] a habité l’Europe ; depuis cette époque reculée, la terre a certainement subi des révolutions nombreuses et considérables, et il s’est écoulé un temps plus que suffisant pour que les migrations aient pu s’effectuer sur la plus vaste échelle.

À quelque époque et en quelque endroit que l’homme ait perdu ses poils, il est probable qu’il habitait alors un pays chaud, condi-

  1. Häckel est arrivé à la même conclusion. Voir, Ueber die Entstehung der Menschengeschlechts, dans Virchow, Sammlung. gemein. wissen. Vorträge, 1868, p. 61. Aussi, Natürliche Schöpfungsgeschichte, 1868, où il explique en détail ses vues sur la généalogie de l’homme.
  2. Dr C. Forsyth Major, Sur les singes fossiles trouvés en Italie, Soc. ital. des Sciences nat., xv, 1872.