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quiconque n’a pas suivi les récents progrès de l’histoire naturelle. Cette hypothèse implique, en effet, l’existence antérieure de chaînons intermédiaires, reliant étroitement les unes aux autres toutes ces formes si complètement dissemblables aujourd’hui.

Néanmoins il est certain qu’il a existé ou qu’il existe encore des groupes d’animaux, qui relient d’une manière plus ou moins intime les diverses grandes classes des vertébrés. Nous avons vu que l’Ornithorynque se rapproche des reptiles. D’un autre côté, le professeur Huxley a fait la remarquable découverte, confirmée par M. Cope et par d’autres savants, que, sous plusieurs rapports importants, les anciens Dinosauriens constituent un chaînon intermédiaire entre certains reptiles et certains oiseaux, — les autruches, par exemple (qui, elles-mêmes, sont évidemment un reste très répandu d’un groupe plus considérable), et l’Archéoptérix, cet étrange oiseau de l’époque secondaire, pourvu d’une queue allongée comme celle du lézard. En outre, suivant le professeur Owen[1], les Ichthyosauriens, — grands lézards marins pourvus de nageoires, — ont de nombreuses affinités avec les poissons, ou plutôt, selon Huxley, avec les amphibies. Cette dernière classe (dont les grenouilles et les crapauds constituent la division la plus élevée) est évidemment voisine des poissons ganoïdes. Ces poissons, qui ont pullulé pendant les premières périodes géologiques, avaient un type hautement généralisé, c’est-à-dire qu’ils présentaient des affinités diverses avec d’autres groupes organiques. D’autre part, le Lépidosiren relie si étroitement les amphibies et les poissons, que les naturalistes ont longtemps débattu la question de savoir dans laquelle de ces deux classes ils devaient placer cet animal. Le Lépidosiren et quelques poissons ganoïdes habitent les rivières, qui constituent de vrais ports de refuge, et jouent le même rôle, relativement aux grandes eaux de l’océan, que les îles à l’égard des continents ; c’est ce qui les a préservés d’une extinction totale.

Enfin, un membre unique de la classe des poissons, classe si étendue et qui revêt des formes si diverses, l’Amphioxus, diffère tellement des autres animaux de cet ordre, qu’il devrait, suivant Häckel, constituer une classe distincte dans le règne des vertébrés. Ce poisson est remarquable par ses caractères négatifs ; on peut à peine dire, en effet, qu’il possède un cerveau, une colonne vertébrale, un cœur, etc. ; aussi les anciens naturalistes l’avaient-ils rangé parmi les vers. Il y a bien des années, le professeur Goodsir reconnut des affinités entre l’Amphioxus et les Ascidiens, formes marines inver-

  1. Paleontology, 1860, p. 199.