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une concordance fondamentale dans le développement du cerveau chez l’homme et chez les singes.

Gratiolet a prétendu qu’il existe une différence fondamentale dans le développement du cerveau de l’Homme et de celui des singes et que cette différence consiste en ceci : que, chez les singes, les plis qui paraissent d’abord sont situés sur la région postérieure des hémisphères cérébraux, tandis que, dans le fœtus humain, les plis paraissent d’abord sur les lobes frontaux[1].

Cette assertion générale est basée sur deux observations, l’une d’un Gibbon tout prêt à naître, chez lequel les circonvolutions postérieures étaient « bien développées », tandis que celles des lobes frontaux étaient « à peine indiquées » (loc. cit., p. 39), et l’autre d’un fœtus humain à la vingt-deuxième ou la vingt-troisième semaine de gestation chez lequel Gratiolet remarque que l’insula était découvert, mais où, néanmoins, « des incisures sèment le lobe antérieur, une scissure peu profonde indique la séparation du lobe occipital, très réduit d’ailleurs, dès cette époque. Le reste de la surface cérébrale est encore absolument lisse[2]. »

On trouve dans la planche II, fig. 1, 2, 3 de l’ouvrage que nous venons d’indiquer trois vues de ce cerveau, représentant la partie supérieure, la partie latérale et la partie inférieure des hémisphères, mais non pas le côté intérieur. Il est à remarquer que la figure ne correspond pas à la description de Gratiolet en ce que la fissure (antéro-temporale) sur la moitié postérieure de la face de l’hémisphère est plus nettement indiquée qu’aucune de celles qui se trouvent sur la moitié antérieure. » En conséquence, si la figure a été correctement dessinée, elle ne justifie en aucune façon la conclusion de Gratiolet : « Il y a donc entre ces cerveaux (celui d’un Callithrix et celui d’un Gibbon) et celui du fœtus humain une différence fondamentale. Chez celui-ci, longtemps avant que les plis temporaux apparaissent, les plis frontaux essayent d’exister. »

D’ailleurs, depuis l’époque de Gratiolet, le développement des circonvolutions et des plis du cerveau a fait le sujet de nouvelles recherches auxquelles se sont livrés Schmidt, Bischoff, Pansch[3] », et plus particulièrement Ecker[4] », dont l’ouvrage est non-seulement le plus récent, mais le plus complet à cet égard.

On peut résumer, comme suit, les travaux de ces savants :

1o Chez le fœtus humain la fissure sylvienne se forme dans le cours du troisième mois de la gestation utérine. Pendant ce mois et pendant le quatrième mois, les hémisphères cérébraux sont lisses et arrondis (à l’exception de la dépression sylvienne), et ils se projettent en arrière bien au-delà du cervelet.

  1. « Chez tous les singes, les plis postérieurs se développent les premiers ; les plis antérieurs se développent plus tard ; aussi la vertèbre occipitale et la pariétale sont-elles relativement très grandes chez le fœtus. L’homme présente une exception remarquable, quant à l’époque de l’apparition des plis frontaux qui sont les premiers indiqués ; mais le développement général du lobe frontal, envisagé seulement par rapport à son volume, suit les mêmes lois que dans les singes. » Gratiolet, Mémoires sur les plis cérébraux de l’Homme et des Primates, p. 39, tab. IV fig. 3.
  2. Voici les termes mêmes dont s’est servi Gratiolet : « Dans le fœtus dont il s’agit, les plis cérébraux postérieurs sont bien développés, tandis que les plis du lobe frontal sont à peine indiqués. » Toutefois la figure (pl. 4, fig. 3) indique la fissure de Rolando et un des plis frontaux. Néanmoins, M. Alix, Notice sur les travaux anthropologiques de Gratiolet (Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1868, p. 32), s’exprime ainsi : « Gratiolet a eu entre les mains le cerveau d’un fœtus de Gibbon, singe éminemment supérieur et tellement rapproché de l’orang, que des naturalistes très compétents l’ont rangé parmi les anthropoïdes. M. Huxley, par exemple, n’hésite pas sur ce point. Eh bien ! c’est sur le cerveau d’un fœtus de gibbon que Gratiolet a vu les circonvolutions du lobe temporo-sphénoïdal déjà développées, lorsqu’il n’existe pas encore de plis sur le lobe frontal. Il était donc bien autorisé à dire que, chez l’homme, les circonvolutions apparaissent d’α et ω, tandis que, chez les singes, elles se développent d’ω et α. »
  3. Ueber die typische Anordnung der Furchen und Windungen auf den Grosshirn-Hemisphären des Menschen und der Affen (Archiv. für Anthropologie, vol. III, 1868).
  4. Zur Entwickelungs Geschishte der Furcken und Windungen des Grosshirn-Hemisphären im Fœtus des Menschen (Arch. für Anthropologie, vol. III, 1868).