Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/259

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Mais il ne s’ensuit en aucune façon que la règle qui s’applique aux Platyrrhinins s’applique aussi aux Catarrhinins. Nous n’avons aucun renseignement relativement au développement du cerveau chez les Cynomorphes ; quant aux Anthropomorphes, nous ne possédons qu’une seule observation, celle faite sur le cerveau du Gibbon, quelque temps avant la naissance, dont nous avons déjà parlé. Nous ne possédons donc actuellement aucun témoignage qui permette de déclarer que les plis du cerveau d’un Chimpanzé ou d’un Orang ne paraissent pas dans le même ordre que les plis du cerveau de l’Homme.

Gratiolet commence sa préface par l’aphorisme : « Il est dangereux dans les sciences de conclure trop vite. » Je crains qu’il n’ait oublié cette excellente maxime au moment où, dans le corps de son ouvrage, il aborde la discussion des différences qui existent entre l’Homme et les singes. Sans aucun doute, l’éminent auteur d’un des travaux les plus remarquables relativement au cerveau des Mammifères aurait été le premier à admettre l’insuffisance de ses données, s’il avait vécu assez longtemps pour profiter des recherches nombreuses faites de toutes parts. Il faut donc infiniment regretter que ses conclusions aient été employées par certaines personnes, inaptes à apprécier les bases sur lesquelles elles reposent, comme des arguments en faveur de l’obscurantisme[1].

En tous cas, que l’hypothèse de Gratiolet sur l’ordre relatif de l’apparition des plis temporaux et frontaux soit fondée ou non, il est important de remarquer qu’un fait reste patent : avant l’apparition des plis temporaux ou frontaux, le cerveau du fœtus humain présente des caractères qu’on trouve seulement dans le groupe inférieur des Primates (à l’exception des Lémurs) ; or, c’est exactement ce qui devait arriver si l’Homme procède des modifications graduelles de la même forme que celle d’où sont sortis les autres Primates.

  1. M. l’abbé Lecomte, par exemple, dans un terrible pamphlet, le Darwinisme et l’origine de l’Homme, 1873.