Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces différences ne suffiraient pas pour déterminer à l’état de nature l’intervention effective de la sélection sexuelle. Néanmoins, comme on en trouvera la preuve dans le supplément, le nombre proportionnel des mâles et des femelles paraît éprouver, chez quelques animaux sauvages, suivant les différentes saisons ou les diverses localités, des fluctuations suffisantes pour provoquer une action de ce genre. Il faut, en effet, remarquer que les mâles, vainqueurs des autres mâles ou recherchés par les femelles à cause de leur beauté, acquièrent au bout d’un certain nombre d’années, ou dans certaines localités, des avantages qu’ils doivent transmettre à leurs petits et qui ne sont pas de nature à disparaître. En admettant que, pendant les saisons suivantes, l’égalité en nombre des individus des deux sexes permette à chaque mâle de trouver une femelle, les mâles qui descendent de ces mâles plus vigoureux, plus recherchés par les femelles, supérieurs en un mot, ont au moins tout autant de chance de laisser des descendants que les mâles moins forts et moins beaux.


Polygamie. — La pratique de la polygamie amène les mêmes résultats que l’inégalité réelle du nombre des mâles et des femelles. En effet, si chaque mâle s’approprie deux ou plusieurs femelles, il en est beaucoup qui ne peuvent pas s’accoupler, et ce sont certainement les plus faibles ou les moins attrayants. Beaucoup de mammifères et quelques oiseaux sont polygames, mais je n’ai pas trouvé de preuves de cette particularité chez les animaux appartenant aux classes inférieures. Les animaux inférieurs n’ont peut-être pas des facultés intellectuelles assez développées pour les pousser à réunir et à entretenir un harem de femelles. Il paraît à peu près certain qu’il existe un rapport entre la polygamie et le développement des caractères sexuels secondaires ; ce qui vient à l’appui de l’hypothèse qu’une prépondérance numérique des mâles est éminemment favorable à l’action de la sélection sexuelle. Toutefois, beaucoup d’animaux, surtout les oiseaux strictement monogames, ont des caractères sexuels secondaires très marqués, tandis que quelques autres, qui sont polygames, ne sont pas dans le même cas.

Examinons rapidement au point de vue de la polygamie la classe des Mammifères, nous passerons ensuite aux Oiseaux. Le Gorille paraît être polygame, et le mâle diffère considérablement de la femelle ; il en est de même de quelques babouins vivant en sociétés qui renferment deux fois autant de femelles adultes que de mâles. Dans l’Amérique du Sud, la couleur, la barbe et les organes vocaux