Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/278

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sont fixés d’une manière permanente, l’élément mâle va invariablement trouver la femelle ; il est, d’ailleurs, facile d’expliquer la cause de ce fait : les ovules, en effet, en admettant même qu’ils se détacheraient avant d’être fécondés et qu’ils n’exigeraient aucune alimentation ou aucune protection subséquente, sont, par leurs dimensions relativement plus grandes, moins facilement transportables que l’élément mâle et, par le fait même qu’ils sont plus grands, existent en plus petite quantité. Beaucoup d’animaux inférieurs ont donc, sous ce rapport, beaucoup d’analogie avec les plantes[1]. Les animaux mâles aquatiques fixés ayant été ainsi conduits à émettre leur élément fécondant, il est naturel que leurs descendants, qui se sont élevés sur l’échelle et qui ont acquis des organes de locomotion, aient conservé la même habitude et s’approchent aussi près que possible de la femelle, pour que l’élément fécondant ne soit pas exposé aux risques d’un long passage au travers de l’eau. Chez quelques animaux inférieurs, les femelles seules sont fixées, il faut donc que les mâles aillent les trouver. Quant aux formes dont les ancêtres possédaient primitivement la faculté de la locomotion, il est difficile de comprendre pourquoi les mâles ont acquis l’invariable habitude de rechercher les femelles, au lieu que celles-ci recherchent les mâles. Mais, dans tous les cas, il a fallu, pour que les mâles devinssent des chercheurs efficaces, qu’ils fussent doués de passions ardentes ; or, le développement de ces passions découle naturellement du fait que les mâles plus ardents laissent plus de descendants que ceux qui le sont moins.

La grande ardeur du mâle a donc indirectement déterminé un développement beaucoup plus fréquent des caractères sexuels secondaires chez le mâle que chez la femelle. L’étude des animaux domestiques m’a conduit à penser que le mâle est plus sujet à varier que la femelle, ce qui a dû singulièrement faciliter ce développement. Von Nathusius, dont l’expérience est si considérable, partage absolument la même opinion[2]. La comparaison des deux sexes chez l’espèce humaine fournit aussi des preuves nombreuses à l’appui de cette hypothèse. Au cours de l’expédition de la Novara[3], on a procédé à un nombre considérable de mesurages des

  1. Le professeur Sachs (Lehrbuch der Botanik, 1870, p. 633), en parlant des cellules reproductrices mâles et femelles, remarque que « l’une se comporte activement… tandis que l’autre paraît passive pendant la réunion ».
  2. Vortrage über Viehzucht, 1872, p. 63.
  3. Reise der Novara ; Anthropol. Theil, 1867, pp. 216-269. Le Dr Weisbach a calculé les résultats d’après les mesurages faits par les Drs Scherzer et Schwarz. Voir sur la grande variabilité des animaux domestiques mâles, la Variation, etc., vol. II, p. 79 (Paris, Reinwald).