Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/291

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quelques exemples frappants, et conclure d’après les résultats.

La famille des cerfs nous fournit un champ de recherches excellent. Chez toutes les espèces, une seule exceptée, les bois ne se développent que chez le mâle, bien qu’ils soient certainement transmis par la femelle, chez laquelle, d’ailleurs, ils se développent quelquefois anormalement. Chez le renne, au contraire, la femelle porte aussi des bois ; chez cette espèce, par conséquent, les bois doivent, d’après notre règle, apparaître à un âge précoce, longtemps avant que les individus des deux sexes, arrivés à maturité, diffèrent beaucoup par leur constitution. Chez toutes les autres espèces de cerfs, les bois doivent, toujours en vertu de notre règle, apparaître plus tardivement, car ils ne se développent que chez les seuls individus appartenant au sexe où ils ont paru en premier lieu chez l’ancêtre de toute la famille. Or, chez sept espèces appartenant à des sections distinctes de la famille, et habitant des régions différentes, espèces chez lesquelles les cerfs mâles portent seuls des bois, je remarque que ceux-ci paraissent à des périodes variant de neuf mois après la naissance chez le chevreuil, à dix, douze mois et même plus longtemps chez les mâles des six autres plus grandes espèces[1]. Mais, chez le renne, le cas est tout différent, car le professeur Nilsson, qui a bien voulu, à ma demande, faire, en Laponie, des recherches spéciales à ce sujet, m’informe que les bois paraissent, chez les jeunes animaux des deux sexes, quatre ou cinq semaines après la naissance. Nous avons donc ici une conformation qui, se développant dès un âge d’une précocité inusitée, et chez une seule espèce de la famille, se trouve être commune aux deux sexes.

Chez plusieurs espèces d’antilopes les mâles seuls sont pourvus de cornes ; toutefois, chez le plus grand nombre, les individus des deux sexes en portent. Quant à l’époque du développement, M. Blyth a étudié aux Zoological Gardens un jeune Coudou (Ant. strepsiceros), espèce où les mâles seuls sont armés, et un autre jeune d’une espèce très-voisine, le Canna (Ant. orcas), chez laquelle les individus des deux sexes portent des cornes. Or, conformément à la loi que nous avons posée, le jeune Coudou, bien qu’il ait atteint

  1. Je dois à l’obligeance de M. Cupples les renseignements qu’il s’est procurés sur le chevreuil et sur le cerf d’Écosse auprès de M. Robertson, le garde forestier si expérimenté du marquis de Breadalbane. M. Eyton et d’autres m’ont fourni des informations sur le daim. Pour le Cervus alces, de l’Amérique du Nord, voir Land and Water, 1868, pp. 221 et 254 ; et pour les C. Virginianus et strongyloceros du même continent, voir J.-D. Caton, Ottawa Acad. of Nat. Science, 1868, p. 13. Pour le Cervus Eldi du Pegou, voir le lieutenant Beavan. Proc. Zool. Soc., 1867, p. 762.