Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/403

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modifiés et adaptés pour saisir la femelle, il est possible que leurs dents leur servent aussi à cet usage.

Quant à la taille, M. Carbonnier[1] soutient que, chez presque toutes les espèces, la femelle est plus grande que le mâle ; le docteur Günther ne connaît pas un seul cas où le mâle soit réellement plus grand que la femelle. Chez quelques Cyprinodontes, le mâle n’égale même pas la moitié de la grosseur de la femelle. Les mâles de beaucoup d’espèces ont l’habitude de lutter les uns avec les autres ; aussi est-il étonnant que, sous l’influence de la sélection sexuelle, ils ne soient pas devenus généralement plus grands et plus forts que les femelles. La petite taille des mâles constitue pour eux un grand désavantage ; M. Carbonnier affirme, en effet, qu’ils sont exposés à être dévorés par leurs propres femelles lorsqu’elles sont carnassières, et sans doute par les femelles d’autres espèces. L’augmentation de la taille doit, sous quelques rapports, être plus importante pour les femelles que ne le sont, pour les mâles, la force et la taille afin de lutter les uns contre les autres ; cette augmentation de taille permet peut-être une production plus abondante d’œufs.

Le mâle seul, chez beaucoup d’espèces, est orné de brillantes couleurs ; ou tout au moins ces couleurs sont plus vives chez lui que chez la femelle. Quelquefois aussi le mâle est pourvu d’appendices qui ne paraissent pas lui être plus utiles, pour les besoins ordinaires de la vie, que les plumes de la queue ne le sont au paon. Le docteur Günther a eu l’obligeance de me communiquer la plupart des faits suivants. On a tout lieu de croire que, chez beaucoup de poissons tropicaux, la couleur et la conformation diffèrent selon le sexe ; d’ailleurs, on observe quelques exemples frappants de ces différences chez les poissons des mers britanniques. On a donné le nom de petit dragon pierre précieuse, au Cullionymus lyra mâle, à cause de ses couleurs qui ont l’éclat des pierreries. Lorsqu’on le sort de l’eau, le corps est jaune de diverses nuances, rayé et tacheté de bleu vif sur la tête ; les nageoires dorsales sont brun pâle avec des bandes longitudinales foncées, les nageoires ventrale, caudale et anale sont noir bleuâtre. Linné et après lui beaucoup de naturalistes ont considéré la femelle comme une espèce distincte ; elle est brun rougeâtre sale, avec la nageoire dorsale brune et les autres blanches. La grandeur proportionnelle de la tête et de la bouche, et la position des yeux[2], diffèrent aussi

  1. Cité dans The Farmer, 1868, p. 369.
  2. Tiré de Yarrel, (o. c., I, p. 261 et 266).