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mouches s’étaient saisis par le bec, ils pirouettèrent sans se lâcher jusqu’à ce qu’enfin, épuisés, ils tombassent à terre. M. Montes de Onca, parlant d’un autre genre d’oiseaux-mouches, affirme qu’il est rare que deux mâles se rencontrent sans se livrer un furieux combat aérien : « en captivité ils se battent jusqu’à ce que l’un des adversaires ait la langue coupée ; cette blessure entraîne rapidement la mort parce que le blessé ne peut plus manger[1]. » Les mâles de la poule d’eau commune (Gallinula chloropus) « se disputent violemment les femelles lors de la saison des amours ; ils se redressent dans l’eau et se frappent avec leurs pattes. » On a vu deux de ces oiseaux lutter ainsi pendant une demi-heure ; puis l’un finit par saisir l’autre par la tête et il l’eût tué, si l’observateur n’était intervenu ; la femelle était tout le temps restée tranquille spectatrice du combat[2]. Les mâles d’une espèce voisine (Gallicrex cristatus) sont un tiers plus gros que les femelles ; ils sont si belliqueux pendant la saison de l’accouplement que, d’après M. Blyth, les indigènes du Bengale oriental les gardent pour les faire battre. On recherche dans l’Inde d’autres oiseaux lutteurs, les bulbuls (Pycnonotus hœmorrhous), par exemple, qui se battent avec beaucoup d’entrain[3].

Le tringa (Machetes pugnax, fig. 37), oiseau polygame, est célèbre pour son caractère belliqueux ; au printemps, les mâles, qui sont beaucoup plus grands que les femelles, se rassemblent chaque jour à un endroit spécial où les femelles se proposent de déposer leurs œufs. Les oiseleurs reconnaissent ces endroits à l’aspect du gazon, battu et presque enlevé par un piétinage prolongé. Ils imitent pour se battre les dispositions du coq de combat ; ils se saisissent par le bec, et se frappent avec les ailes. La grande fraise de plumes qui entoure leur cou se hérisse, et, d’après le colonel Montagu, « traîne jusqu’à terre pour protéger les parties les plus délicates de leur corps ; » c’est là le seul exemple que je connaisse, chez les oiseaux, d’une conformation servant de bouclier. Toutefois, les belles couleurs qui décorent les plumes de cette fraise permettent de penser qu’elle doit surtout servir d’ornement. Comme tous les oiseaux querelleurs, les tringas semblent toujours disposés à se battre ; en captivité ils s’entre-tuent souvent. Montagu a cependant observé que leurs dispositions belliqueuses augmentent au printemps, lorsque les longues plumes de leur cou sont complètement développées, et qu’à cette époque le moindre mouvement

  1. Gould, id., p. 52.
  2. W. Thompson, Nat. Hist. of Ireland : Birds, vol. II. 1850, p. 327.
  3. Jerdon, Birds of India, 1863, vol. II, p. 96.