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notes lui plaisent le plus[1]. » Il est, en outre, certain que les oiseaux se préoccupent des chants qu’ils entendent. M. Weir m’a signalé le cas d’un bouvreuil auquel on avait appris à siffler une valse allemande et qui l’exécutait à merveille, aussi coûtait-il dix guinées. Lorsque cet oiseau fut introduit pour la première fois dans une volière pleine d’autres oiseaux captifs, et qu’il se mit à chanter, tous, c’est-à-dire une vingtaine de linottes et de canaris, se placèrent dans leurs cages du côté le plus rapproché de celui où était le nouveau venu et se mirent à l’écouter avec grande attention. Beaucoup de naturalistes sont disposés à croire que le chant des oiseaux constitue presque exclusivement « un résultat de leur rivalité et de leur émulation, et ne sert en aucune façon à captiver les femelles. » C’était l’opinion de Daines Barrington et de White de Selbourne, qui, tous deux, se sont spécialement occupés de ce sujet[2]. Barrington admet cependant que « la supériorité du chant donne aux oiseaux un ascendant prodigieux sur tous les autres, comme les chasseurs ont pu le remarquer bien souvent. »

Il est certain que le chant constitue, entre les mâles, un puissant motif de rivalité. Les amateurs font lutter leurs oiseaux pour voir quels sont ceux qui chanteront le plus longtemps ; M. Yarrell affirme qu’un oiseau de premier ordre chante parfois jusqu’à tomber épuisé, et, d’après Bechstein[3], il en est qui périssent par suite de la rupture d’un vaisseau dans les poumons. M. Weir soutient que souvent les oiseaux mâles meurent subitement pendant la saison du chant. Quelle que puisse être d’ailleurs la cause de leur mort, il est certain que l’habitude du chant peut être absolument indépendante de l’amour, car on a observé[4] un canari hybride stérile qui chantait en se regardant dans un miroir, puis qui, ensuite, se précipitait sur son image ; il attaquait aussi avec rage un canari femelle, lorsqu’on les mettait dans la même cage. Les preneurs d’oiseaux savent mettre à profit la jalousie qu’excite le chant chez les oiseaux ; ils cachent un mâle bien en voix pendant qu’un oiseau empaillé et entouré de branchilles enduites de glu, est exposé bien en vue. Un homme a pu ainsi attraper en un seul jour cinquante et, une fois même, jusqu’à soixante-dix pinsons mâles. L’aptitude et la disposition au chant diffèrent si considérablement chez les oiseaux, que,

  1. Naturgesh. d. Stubenvögel, 1840, p. 4. M. Harrisson Weir m’écrit également : – « On m’informe que les meilleurs chanteurs mâles trouvent les premiers une compagne lorsqu’ils sont élevés dans une même volière. »
  2. Philos. Transactions, 1773, p. 263. White, Nat. History of Selbourne, vol. I, 1825, p. 246.
  3. Naturg. d. Stubenvögel, 1840, p. 252.
  4. M. Bold, Zoologist., 1843-44, p. 659.