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rudiments de muscles divers ; il en est qui, existant régulièrement chez quelques animaux, se retrouvent parfois à un état très réduit chez l’homme. Chacun a remarqué l’aptitude que possèdent plusieurs animaux, le cheval surtout, à mouvoir certaines parties de la peau par la contraction du pannicule musculaire. On trouve des restes de ce muscle à l’état actif sur plusieurs points du corps humain ; sur le front, par exemple, où il permet le relèvement des sourcils. Le platysma myoides, qui est bien développé sur le cou, appartient à ce système. Le professeur Turner, d’Édimbourg, m’apprend qu’il a parfois trouvé des fascicules musculaires dans cinq situations différentes : dans les axilles, près des omoplates, etc., qui doivent tous être rattachés au système du pannicule. Il a[1] aussi démontré que le muscle sternal (sternalis brutorum), qui n’est pas une extension de l’abdominal droit (rectus abdominalis), mais qui se relie intimement au pannicule, s’est rencontré dans une proportion d’environ 3 p. 100 chez plus de six cents cadavres ; il ajoute que ce muscle fournit « un excellent exemple du fait que les conformations accidentelles et rudimentaires sont tout spécialement sujettes à présenter des variations dans leurs arrangements ».

Quelques personnes ont la faculté de contracter les muscles superficiels du scalpe, qui sont dans un état partiellement rudimentaire et variable. M. A. de Candolle m’a communiqué une observation curieuse sur la persistance héréditaire de cette aptitude, existant à un degré inusité d’intensité. Il connaît une famille dont un des membres, actuellement chef de la famille, pouvait, quand il était jeune, faire tomber, par la seule mobilité du scalpe, plusieurs gros livres posés sur sa tête, et qui avait gagné de nombreux paris en exécutant ce tour de force. Son père, son oncle, son grand-père et ses trois enfants possèdent à un égal degré cette même aptitude. Cette famille se divisa en deux branches, il y a huit générations ; le chef de celle dont nous venons de parler est donc cousin au septième degré du chef de l’autre branche. Ce cousin éloigné, habitant une autre partie de la France, interrogé au sujet de l’aptitude en question, prouva immédiatement qu’il la possède aussi. C’est là un excellent exemple de la transmission persistante d’une faculté absolument inutile que nous ont probablement léguée nos ancêtres à demi humains ; en effet, les singes possèdent la faculté, dont ils usent largement, de mouvoir le scalpe de haut en bas et vice versa[2].

Les muscles servant à mouvoir l’ensemble de l’oreille externe,

  1. Prof. V. Turner, Proc. Royal Soc. Edinburgh, 1866-67, p. 65.
  2. L’Expression des Émotions, p. 144. (Paris, Reinwald)