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Les oiseaux mâles aiment à étaler leur plumage. — Les mâles étalent, avec soin, leurs ornements de tous genres, que ces ornements soient chez eux permanents ou temporaires ; ils leur servent évidemment à exciter, à attirer et à captiver les femelles. Toutefois les mâles déploient quelquefois leurs ornements sans se trouver en présence de femelles, comme le font les grouses dans leurs réunions ; on a pu aussi remarquer que le paon aime à étaler sa queue splendide à condition qu’il ait un spectateur quelconque, et, comme j’ai souvent pu l’observer, fait parade de ses beaux atours devant des poules, et même devant des porcs[1]. Tous les naturalistes qui ont étudié avec soin les habitudes des oiseaux, soit à l’état sauvage, soit en captivité, sont unanimes à reconnaître que les mâles sont enchantés de montrer leurs ornements. Audubon a remarqué que le mâle cherche de diverses manières à captiver la femelle. M. Gould, après avoir décrit quelques ornements particuliers à un oiseau-mouche mâle, ajoute qu’il a soin de les exposer à son plus grand avantage devant la femelle. Le docteur Jerdon[2] insiste sur l’attraction et la fascination qu’exerce sur la femelle le beau plumage du mâle ; M. Bartlett, des Zoogical Gardens, s’exprime non moins catégoriquement à cet égard.

Ce doit être un beau spectacle, dans les forêts de l’Inde, « que de tomber brusquement sur vingt ou trente paons, dont les mâles étalent leurs queues splendides, et se pavanent orgueilleusement devant les femelles charmées. » Le dindon sauvage redresse son brillant plumage, étale sa queue élégamment zonée et ses rémiges barrées, et, au total, avec les caroncules bleus et cramoisis qui garnissent sa gorge, il doit faire un effet superbe, bien que grotesque à nos yeux. Nous avons déjà cité des faits analogues à propos de divers tétras (grouse). Passons donc à un autre ordre d’oiseaux. Le Rupicola crocea mâle (fig. 50) est un des plus beaux oiseaux qu’il y ait au monde, son plumage affecte une teinte jaune orangé splendide, et quelques-unes de ses plumes sont curieusement tronquées et barbelées. La femelle, vert brunâtre, nuancé de rouge, a une crête beaucoup plus petite. Sir R. Schomburgh a décrit les moyens qu’ils emploient pour courtiser les femelles ; il a pu, en effet, observer une de leurs réunions où se trouvaient dix mâles et deux femelles. L’espace qu’ils occupaient avait quatre à cinq pieds de diamètre ; ils avaient arraché l’herbe avec soin, uni et égalisé le terrain comme auraient pu le faire des mains humaines. Un mâle

  1. Rev. E. S. Dixon, Ornamental Poultry, 1848, p. 8.
  2. Birds of India, Introduction, vol. I, p. xxiv ; sur le paon, vol. III, p. 507. Gould, Introd. to the Trochilidæ, 1861, p. 15 et 111.