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absorbés qu’un archer habile peut abattre presque toute la bande. Ces oiseaux, gardés en captivité dans l’archipel Malais, entretiennent avec soin la propreté de leurs plumes ; ils les étalent souvent pour les examiner et pour enlever la moindre trace de poussière. Un observateur, qui en a gardé plusieurs couples vivants, affirme que les parades auxquelles se livre le mâle ont pour but de charmer la femelle[1].

Le faisan doré et le faisan Amhurst, quand ils courtisent les femelles, ne se contentent pas d’étendre et de relever leur magnifique fraise, mais, comme je l’ai observé moi-même, ils la tournent obliquement vers la femelle, de quelque côté qu’elle se trouve, évidemment pour en déployer devant elle une large surface[2]. M. Bartlett a observé un polyplectron mâle (fig. 51) faisant sa cour à une femelle, et m’a montré un individu empaillé placé dans la position qu’il prend dans cette circonstance. Les rectrices et les rémiges de cet oiseau sont ornées de superbes ocelles, semblables à ceux de la queue du paon. Or, lorsque ce dernier se pavane, il étale et redresse sa queue transversalement, car il se place en face de la femelle et exhibe en même temps sa gorge et sa poitrine si richement colorées en bleu. Mais le polyplectron a la poitrine sombre, et les ocelles ne sont point circonscrits aux rectrices ; en conséquence, il ne se pose pas en face de la femelle, mais il redresse et étale ses rectrices un peu obliquement, en ayant soin d’abaisser l’aile du même côté et de relever l’aile opposée. Dans cette position, il expose à la vue de la femelle, qui l’admire, toute la surface de son corps parsemée d’ocelles. De quelque côté qu’elle se retourne, les ailes étendues et la queue inclinée suivent le mouvement et restent ainsi à portée de sa vue. Le faisan tragopan mâle agit d’une manière à peu près semblable, car il redresse les plumes du corps, mais non pas l’aile, du côté opposé à celui où se trouve la femelle, plumes que sans cela elle n’apercevrait pas, de sorte que toutes ses plumes élégamment tachetées sont en même temps exposées à ses regards.

La conduite du faisan Argus est encore plus étonnante. Les rémiges secondaires si énormément développées du mâle, qui seul en est pourvu, sont ornées d’une rangée de vingt à vingt-trois ocelles, ayant tous plus d’un pouce de diamètre. Les plumes sont,

  1. Ann. and Mag. of Nat, Hist., vol. XII, 1854, p. 157. Wallace, ib., vol. XX, 1857, p. 412 et Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 252. Le docteur Bennett, cité par Brehm, Thierleben, vol. III, p. 326.
  2. M. T. W. Wood fait (Student, avril 1870, p. 115) une description complète de ce mode de déploiement qu’il appelle unilatéral exécuté par le faisan doré et par le faisan japonais, Ph. versicolor.