Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/477

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variés, et exécute de grotesques gambades sur le sol ou dans l’air, en présence de la femelle. Le mâle s’efforce de chasser ses rivaux, ou, s’il le peut, de les tuer. Nous pouvons donc en conclure que le mâle se propose de décider la femelle à s’accoupler avec lui, et, pour atteindre ce but, il cherche à l’exciter et à la captiver en employant bien des façons différentes ; c’est là, d’ailleurs, l’opinion de tous ceux qui ont étudié avec soin les mœurs des oiseaux. Mais il reste à élucider une question qui, relativement à la sélection sexuelle, a une importance considérable : tous les mâles de la même espèce ont-ils le pouvoir de séduire et d’attirer également la femelle ? Celle-ci, au contraire, exerce-t-elle un choix, et préfère-t-elle certains mâles à certains autres ? Un nombre considérable de preuves directes et indirectes permet de répondre affirmativement à cette dernière question. Il est évidemment très-difficile de déterminer quelles sont les qualités qui décident du choix exercé par les femelles ; mais, ici encore, des preuves directes et indirectes nous permettent d’affirmer que les ornements du mâle jouent un grand rôle, bien qu’il n’y ait pas à douter que sa vigueur, son courage et ses autres qualités mentales n’aient aussi beaucoup d’influence. Commençons par les preuves indirectes.


Durée de la cour que se font les oiseaux. — Certains oiseaux des deux sexes se rassemblent chaque jour dans un lieu déterminé pendant une période plus ou moins longue ; cela dépend probablement, en partie, de ce que la cour que les mâles font aux femelles dure plus ou moins longtemps, et, aussi, de la répétition de l’accouplement. Ainsi, en Allemagne et en Scandinavie, les réunions (leks ou balzen) du petit tétras se continuent depuis le milieu de mars jusque dans le courant de mai. Quarante ou cinquante individus et même davantage assistent à ces réunions, et il n’est pas rare que ces oiseaux fréquentent la même localité pendant bien des années successives. Les réunions du grand tétras commencent vers la fin de mars pour se prolonger jusqu’au milieu et même jusqu’à la fin de mai. Dans l’Amérique du Nord, les assemblées du Tetrao phasianellus, désignées sous le nom de « danses des perdrix », durent un mois et plus. D’autres espèces de tétras, tant dans l’Amérique du Nord que dans la Sibérie orientale[1], ont à peu près les mêmes

  1. Nordmann décrit (Bull. Soc. Imp. des Nat. Moscou, 1861, t. XXXIV, p. 264) les lieux de danse du Tetrao urogalloïdes dans le pays d’Amour. Il estime le nombre des mâles rassemblés à cent environ, les femelles restent cachées dans les buissons environnants et ne sont pas comprises dans ce total. Les cris que poussent ces oiseaux diffèrent beaucoup de ceux du T. urogallus, le grand coq de bruyère.