Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/487

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ment de beaux morceaux de lichen, les plus grandes pièces au milieu et les plus petites sur la partie attachée à la branche. Çà et là une jolie plume est entrelacée ou fixée à l’extérieur ; la tige est toujours placée de façon que la plume dépasse la surface. » Les trois genres d’oiseaux australiens qui construisent les berceaux de verdure dont nous avons déjà parlé, nous fournissent d’ailleurs une preuve excellente du goût des oiseaux pour le beau. Ces constructions (voy. fig. 46, p. 75), où les individus des deux sexes se réunissent pour se livrer à des gambades bizarres, affectent des formes différentes ; mais ce qui nous intéresse particulièrement, c’est que les différentes espèces décorent ces berceaux de diverses manières. L’espèce dite satin affectionne les objets à couleurs gaies, tels que les plumes bleues des perruches, les os et les coquillages blancs, qu’elle introduit entre les rameaux ou dispose à l’entrée avec beaucoup de goût. M. Gould a trouvé dans un de ces berceaux un tomahawk en pierre bien travaillée et un fragment d’étoffe de coton bleu, provenant évidemment d’un camp d’indigènes. Les oiseaux dérangent constamment ces objets, et pour les disposer de façon différente les transportent çà et là. L’espèce dite tachetée « tapisse magnifiquement son berceau avec des grandes herbes disposées de manière que leurs sommets se rencontrent et forment les groupes les plus variés. » Ces oiseaux se servent de pierres rondes pour maintenir les tiges herbacées à leur place, et faire des allées conduisant au berceau. Ils vont souvent chercher les pierres et les coquillages à de grandes distances. L’oiseau régent, décrit par M. Ramsay, orne son berceau, qui est très-court, avec des coquillages terrestres blancs appartenant à cinq ou six espèces, et avec des « baies de diverses couleurs bleues, rouges et noires, qui, lorsqu’elles sont fraîches, lui donnent un aspect charmant. Ils y ajoutent quelques feuilles fraîchement cueillies et de jeunes pousses roses, le tout indiquant beaucoup de goût pour le beau. » Aussi M. Gould a-t-il pu dire avec beaucoup de raison : « Ces salles de réunion si richement décorées constituent évidemment les plus merveilleux exemples encore connus de l’architecture des oiseaux. » D’un autre côté, nous pouvons conclure que le goût pour le beau chez les oiseaux diffère certainement selon les espèces[1].


Préférence des femelles pour certains mâles. — Après ces quelques remarques préliminaires sur le discernement et le goût des oiseaux,

  1. Sur les nids décorés des oiseaux-mouches, Gould, Introd. to the Trochilidæ, 1861, p. 19. Sur les oiseaux à berceau, Gould, Handbook to Birds of Australia, vol. I, 1865, p. 444-461 ; M. Ramsay, Ibis, 1867, p. 456.