Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/550

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déterminer chez elle, comme on peut en juger par de nombreuses analogies, une certaine variabilité flottante. Dans ce cas, la sélection sexuelle, qui dépend d’un élément éminemment susceptible de changement — le goût et l’admiration de la femelle — doit avoir accumulé de nouvelles teintes de coloration et d’autres différences. Or la sélection sexuelle est toujours à l’œuvre ; il serait donc fort surprenant, à en juger par les résultats que produit chez les animaux domestiques la sélection non intentionnelle de l’homme, que des animaux qui habitent des régions séparées, et qui ne peuvent, par conséquent, jamais se croiser et mélanger ainsi des caractères nouvellement acquis, ne fussent pas, au bout d’un laps de temps suffisant, différemment modifiés. Ces remarques s’appliquent également au plumage d’été ou plumage de la saison des amours, que ce plumage soit limité aux mâles ou commun aux deux sexes.

Bien que les femelles et les jeunes des espèces très-voisines ou représentatives dont nous venons de parler diffèrent à peine les uns des autres, de sorte qu’on ne peut reconnaître facilement que les mâles, cependant les femelles de la plupart des espèces d’un même genre doivent différer les unes des autres dans une certaine mesure. Toutefois il est rare que ces différences soient aussi prononcées que chez les mâles. La famille entière des gallinacés nous en fournit la preuve absolue : les femelles, par exemple, du faisan commun et du faisan du Japon, surtout celles du faisan doré et du faisan Amherst, — du faisan argenté et de la volaille sauvage, — se ressemblent beaucoup au point de vue de la coloration, tandis que les mâles diffèrent à un degré extraordinaire. On observe le même fait chez les femelles de la plupart des Cotingidés, des Fringillidés et de beaucoup d’autres familles. On ne peut douter que, en règle générale, les femelles ont été moins modifiées que les mâles. Quelques espèces cependant présentent une exception singulière et inexplicable ; ainsi les femelles du Paradisea apoda et du P. papuana diffèrent plus l’une de l’autre que ne le font leurs mâles respectifs[1] ; la femelle de cette dernière espèce a la surface inférieure du corps blanc pur, tandis qu’elle est brun foncé chez la femelle du P. apoda. Ainsi encore, le professeur Newton affirme que les mâles de deux espèces d’Oxynotus (pie-grièche), qui se représentent dans l’île Maurice et dans l’île Bourbon[2], diffèrent peu au point de vue de la couleur, tandis que les femelles diffèrent beaucoup. La femelle de l’espèce de l’île Bourbon paraît avoir conservé, en partie au moins,

  1. Wallace, the Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 394.
  2. Ces espèces sont décrites avec figures en couleur, par M. F. Pollen, Ibis, 1866, p. 275.