Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/573

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les vingt-six, les deux sexes ont la même teinte ; mais comme elles appartiennent à des genres où l’identité de coloration est de règle ordinaire, on ne peut rien en conclure sur les couleurs protectrices dans les deux sexes des oiseaux du désert. Sur les treize autres espèces, il en est trois qui appartiennent à des genres dont les sexes diffèrent habituellement entre eux, mais qui se ressemblent au désert. Dans les dix espèces restantes, le mâle diffère de la femelle, mais la différence n’existe que dans cette partie du plumage, qui se trouve cachée, lorsque l’oiseau se blottit sur le sol ; la tête et le dos ayant d’ailleurs la même teinte de sable dans les deux sexes. Dans ces dix espèces, par conséquent, il y a eu action exercée par la sélection naturelle sur le plumage supérieur des deux sexes, pour le rendre semblable dans un but de sécurité ; tandis que le plumage inférieur des mâles seuls a été modifié et orné par la sélection sexuelle. Comme, dans le cas actuel, les deux sexes sont également bien protégés, nous voyons clairement que la sélection naturelle n’a pas empêché les femelles d’hériter des couleurs de leurs parents mâles ; nous devons donc, comme nous l’avons déjà expliqué, recourir ici à la loi de la transmission sexuellement limitée.

Dans toutes les parties du monde, les deux sexes des oiseaux à bec mou, surtout ceux qui fréquentent les roseaux et les carex, portent des couleurs sombres. Il n’est pas douteux que si elles eussent été brillantes, ces oiseaux auraient été plus exposés à la vue de leurs ennemis ; mais, autant que je puis en juger, il me paraît douteux que leurs teintes obscures aient été acquises en vue de leur sécurité. Il l’est encore davantage qu’elles l’aient été dans un but d’ornementation. Nous devons toutefois nous rappeler que les oiseaux mâles, bien que de couleur terne, diffèrent souvent beaucoup de leurs femelles, ainsi le moineau commun, ce qui ferait croire que ces couleurs sont bien un produit de la sélection sexuelle et ont été acquises comme couleurs attrayantes. Un grand nombre d’oiseaux à bec mou sont chanteurs ; or, nous avons vu que les meilleurs chanteurs sont rarement ornés de belles couleurs. Il semblerait, en règle générale, que les femelles choisissent les mâles, soit à cause de leur belle voix, soit pour leurs vives couleurs, mais s’inquiètent peu de la réunion de ces deux charmes. Quelques espèces, évidemment colorées dans un but de sécurité, comme la bécasse, le coq de bruyère, l’engoulevent, sont également tachetées et ombrées avec une extrême élégance. Nous pouvons conclure que, dans ces cas, la sélection naturelle et la sélection sexuelle ont toutes deux agi pour assurer la protection et l’ornementation. On peut douter qu’il existe un oiseau qui n’ait pas quel-