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nue qui se trouve à la base du bec et autour des yeux, est souvent aussi très-brillamment colorée, et M. Gould dit, en parlant d’une espèce[1], que les couleurs du bec « sont incontestablement à leur point le plus brillant et le plus beau pendant la saison des amours. » Il n’y a pas plus d’improbabilité à ce que les toucans se soient embarrassés d’énormes becs, que leur structure rend d’ailleurs aussi légers que possible, pour un motif qui nous paraît à tort insignifiant, à savoir, l’étalage de belles couleurs, qu’il n’y en a à ce que les faisans argus et quelques autres oiseaux mâles aient acquis de longues pennes qui les encombrent au point de gêner leur vol.

De même que chez diverses espèces les mâles seuls sont noirs, tandis que les femelles sont de couleur terne, de même aussi, dans quelques cas, les mâles seuls sont partiellement ou entièrement blancs, comme chez plusieurs Chasmorynchus de l’Amérique du Sud, chez l’oie antarctique (Bernicla antarctica), chez le faisan argenté, etc., tandis que les femelles restent sombres ou obscurément pommelées. Par conséquent, en vertu du même principe, il est probable que les deux sexes de beaucoup d’oiseaux, tels que les cacatoès blancs, plusieurs hérons avec leurs splendides aigrettes, certains ibis, certains goélands, certains sternes, etc., ont acquis par sélection sexuelle leur plumage plus ou moins blanc. Ce plumage blanc n’apparaît quelquefois qu’à l’état adulte. C’est également le cas chez certaines oies d’Écosse, chez certains oiseaux des tropiques, etc., et chez l’Anser hyperboreus. Cette dernière espèce se reproduit sur les terrains arides, non couverts de neige, puis émigré vers le Midi pendant l’hiver ; il n’y a donc pas de raison de supposer que son plumage blanc lui serve de protection. Dans le cas de l’Anastomus oscitans, auquel nous avons précédemment fait allusion, nous trouvons la preuve que le plumage blanc a un caractère nuptial, car il ne se développe qu’en été ; les jeunes et les adultes, dans leur terme d’hiver, sont gris et noirs. Chez beaucoup de mouettes (Larus), la tête et le cou deviennent blanc pur pendant l’été, tandis qu’ils sont gris ou pommelés pendant l’hiver et chez les jeunes. D’autre part, chez les mouettes plus petites (Gavia), et chez quelques hirondelles de mer (Sterna), c’est précisément le contraire ; pendant la première année pour les jeunes, et pendant l’hiver pour les adultes, la tête est d’un blanc pur ou d’une teinte beaucoup plus pâle que pendant la saison des amours. Ces derniers cas offrent un autre exemple de la manière capricieuse suivant laquelle la sélection sexuelle paraît avoir fréquemment exercé son action[2].

  1. Ramphastos carinatus ; Gould, Monogr. of Ramphastidæ.
  2. Sur le Larus, le Gavia, le Sterna, voir Macgillivray, Hist. Brit. Birds, v,