Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/58

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semblables. Nous pouvons comparer des millions d’hommes les uns aux autres ; tous diffèrent par quelques points. On constate également une grande diversité dans les proportions et les dimensions des différentes parties du corps ; la longueur des jambes est un des points les plus variables[1]. Sans doute, on remarque que, dans certaines parties du monde, le crâne affecte plus particulièrement une forme allongée, une forme arrondie dans d’autres ; toutefois il n’y a là rien d’absolu, car cette forme varie, même dans les limites d’une même race, comme chez les indigènes de l’Amérique et chez ceux de l’Australie du Sud, — cette dernière race est « probablement aussi pure et aussi homogène par le sang, par les coutumes et par le langage qu’aucune race existante, » — et jusque chez les habitants d’un territoire aussi restreint que l’est celui des îles Sandwich[2]. Un dentiste éminent m’assure que les dents présentent presque autant de diversité que les traits. Les artères principales présentent si fréquemment des trajets anormaux, qu’on a reconnu, pour les besoins chirurgicaux, l’utilité de calculer, d’après 1,040 sujets, la moyenne des différents parcours observés[3]. Les muscles sont éminemment variables ; ainsi le professeur Turner[4] a reconnu que ceux du pied ne sont pas rigoureusement semblables chez deux individus sur cinquante, et présentent chez quelques-uns des déviations considérables. Il ajoute que le mode d’exécution des mouvements particuliers correspondant à ces muscles a dû se modifier selon leurs différentes déviations. M. J. Wood[5] a constaté, sur 36 sujets, l’existence de 295 variations musculaires ; et, dans un autre groupe de même nombre, il a compté 558 modifications, tout en ne notant que pour une seule celles qui se trouvaient des deux côtés du corps. Aucun des sujets de ce second « groupe n’avait un système musculaire complètement conforme aux descriptions classiques indiquées dans les manuels d’anatomie. » Un des sujets présentait jusqu’à 25 anomalies distinctes. Le même muscle varie parfois de plusieurs manières ; c’est ainsi que le professeur Macalister[6] ne décrit pas moins de 20 va-

  1. B.-A. Gould, Investigations in Military and Anthropolog. statistics of American Soldiers, 1869, p. 256.
  2. Pour les formes crâniennes des indigènes américains, voir le docteur Aitken Meigs, Proceedings Acad. Nat. Sc. Philadelphia, mai 1868 ; sur les Australiens, Huxley, dans Lyell, Antiquity of man, 1863, p. 87 ; sur les habitants des îles Sandwich, le professeur J. Wyman, Observations on Crania, Boston, 1868, p. 18.
  3. R. Quain, Anatomy of the Arteries.
  4. Transact. Royal Soc. Edinburgh, vol. XXIV, p. 175, 189.
  5. Proc. Royal Soc, 1867, p. 544 ; 1868, p. 483, 524. Il y a un mémoire antérieur, 1866, p. 229.
  6. Proc. Roy. Irish Academy, vol. X. 868. p. 141.