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quelques autres cerfs. Les étalons ont de petites canines qui sont absentes ou rudimentaires chez la jument, mais ils ne s’en servent pas dans leurs combats ; ils ne mordent qu’avec les incisives, et n’ouvrent pas la bouche aussi largement que les chameaux et les guanacos. Lorsque le mâle adulte possède des canines dans un état où elles ne peuvent servir, et qu’elles font défaut ou ne sont que rudimentaires chez la femelle, on en peut conclure que l’ancêtre mâle de l’espèce était armé de véritables canines qui ont été partiellement transmises aux femelles. La disparition ou la diminution de grandeur de ces dents chez les mâles paraît être la conséquence d’un changement dans leur manière de combattre, changement causé souvent (ce qui n’est pas le cas du cheval) par le développement de nouvelles armes.

Les défenses et les cornes ont évidemment une haute importance pour leurs possesseurs, car leur développement consomme une grande quantité de matière organique. Une seule défense de l’éléphant asiatique, — une défense de l’espèce velue éteinte — et une défense de l’éléphant africain, pèsent, me dit-on, 150, 160 et 180 livres ; quelques auteurs ont même signalé des poids plus considérables[1]. Les bois des cerfs qui se renouvellent périodiquement, doivent enlever bien davantage à la constitution de l’animal ; les cornes de l’élan, par exemple, pèsent de 50 à 60 livres, et celles de l’élan irlandais éteint atteignent jusqu’à 60 et 70 livres, — le crâne de ce dernier n’ayant, en moyenne, qu’un poids de cinq livres et quart. Les cornes des moutons ne se renouvellent pas d’une manière périodique, et cependant beaucoup d’agriculteurs considèrent leur développement comme entraînant une perte sensible pour l’éleveur. Les cerfs, qui ont à échapper aux bêtes féroces, sont surchargés d’un poids additionnel qui doit gêner leur course et les retarder considérablement dans les localités boisées. L’élan, par exemple, avec ses bois dont les extrémités sont distantes l’une de l’autre de cinq pieds et demi, évite avec adresse de briser ou de toucher la moindre branche sèche quand il chemine tranquillement ; mais il ne peut faire de même s’il fuit devant une bande de loups. « Pendant sa course, il tient le nez en l’air pour que les cornes soient horizontalement dirigées en arrière, afin qu’il puisse voir distinctement le terrain[2]. » Les pointes des bois du grand élan irlan-

    xiii, p. 18, 1779), les canines atteignent quelquefois trois pouces de longueur, tandis que chez les femelles âgées ou n’en trouve que des rudiments dépassant la gencive d’un demi-pouce à peine.

  1. Emerson Tennent, Ceylan, vol. II, p. 275, 1859 ; Owen, British Fossil Mammals, p. 245, 1846.
  2. Richardson, Fauna Bor. Americana, sur l’élan, Alces palmata, p. 236, 237 ;