Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/60

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implique une combinaison merveilleuse et complexe des plus hautes facultés, tend à se transmettre héréditairement ; d’autre part, il est malheureusement évident que la folie et le dérangement des facultés mentales se transmettent également dans certaines familles.

Bien que nous ignorions presque absolument quelles sont les véritables causes de la variabilité, nous pouvons affirmer tout au moins que, chez l’homme comme chez les animaux inférieurs, elles se rattachent aux conditions auxquelles chaque espèce a été soumise pendant plusieurs générations. Les animaux domestiques varient plus que les animaux à l’état sauvage, ce qui, selon toute apparence, résulte de la nature diverse et changeante des conditions extérieures dans lesquelles ils sont placés. Les races humaines ressemblent sous ce rapport aux animaux domestiques, et il en est de même des individus de la même race, lorsqu’ils sont répandus sur un vaste territoire, comme celui de l’Amérique. Nous remarquons l’influence de la diversité des conditions chez les nations les plus civilisées, où les individus, occupant des rangs divers et se livrant à des occupations variées, présentent un ensemble de caractères plus nombreux qu’ils ne le sont chez les peuples barbares. On a, toutefois, beaucoup exagéré l’uniformité du caractère des sauvages, uniformité qui, dans certains cas, n’existe, pour ainsi dire, réellement pas[1]. Toutefois, si nous ne considérons que les conditions auxquelles il a été soumis, il n’est pas exact de dire que l’homme ait été « plus strictement réduit en domesticité[2] » qu’aucun autre animal. Quelques races sauvages, telles que la race australienne, ne sont pas exposées à des conditions plus variées qu’un grand nombre d’espèces animales ayant une vaste distribution. L’homme, à un autre point de vue bien plus essentiel, diffère encore considérablement des animaux rigoureusement réduits à l’état domestique, c’est-à-dire que sa propagation n’a jamais été contrôlée par une sélection quelconque, soit méthodique, soit inconsciente. Aucune race, aucun groupe d’hommes n’a été assez complètement asservi par ses maîtres pour que ces derniers aient conservé seulement et choisi, pour ainsi dire, d’une manière inconsciente, certains individus déterminés répondant à leurs besoins par quelque utilité spéciale. On n’a pas non plus choisi avec inten-

  1. M. Bates (Naturalist on the Amazons, vol. II, p. 159) fait remarquer, au sujet des Indiens d’une même tribu de Sud-Américains, « qu’il n’y en a pas deux ayant la même forme de tête ; les uns ont le visage ovale à traits réguliers, les autres ont un aspect tout à fait mongolien par la largeur et la saillie des joues, la dilatation des narines et l’obliquité des yeux. »
  2. Blumenbach. Treatises on Anthropology, trad, angl. 1865, p. 203.