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Odeur. — Chez quelques animaux, tels que la célèbre mouffette d’Amérique, l’odeur infecte qu’ils émettent paraît constituer exclusivement un moyen de défense. Chez les Musaraignes (Sorex), les deux sexes possèdent des glandes abdominales odorantes, et, à voir comme les oiseaux et bêtes de proie rejettent leurs cadavres, il n’y a aucun doute que cette odeur ne leur soit un moyen de protection ; cependant ces glandes grossissent chez les mâles pendant la saison des amours. Chez beaucoup d’autres quadrupèdes, les glandes ont les mêmes dimensions chez les deux sexes[1], mais leur usage est inconnu. Chez d’autres encore, elles sont, ou réservées aux mâles, ou plus développées chez eux que chez les femelles, et augmentent presque toujours d’activité pendant la saison du rut. À cette époque, les glandes qui occupent les côtés de la face de l’éléphant mâle grossissent et émettent une sécrétion exhalant une forte odeur de musc. Les mâles et plus rarement les femelles de plusieurs espèces de chauves-souris portent des glandes externes sur plusieurs parties du corps ; on croit que ces glandes sont odoriférantes.

L’odeur rance du bouc est bien connue, et celle de certains cerfs mâles est singulièrement forte et persistante. Sur les rives de la Plata j’ai pu sentir l’air tout imprégné de l’odeur du Cervus campestris mâle, à la distance d’un demi-mille sous le vent d’un troupeau ; et un foulard dans lequel j’avais remporté une peau à domicile, a conservé pendant un an et sept mois, bien qu’il servît beaucoup et fût souvent lavé, les traces de cette odeur qui s’en exhalait quand on le déployait. Cet animal n’émet pas une forte odeur avant l’âge d’un an, il n’en a jamais si on le châtre jeune[2]. Outre l’odeur générale qui, pendant la saison des amours, paraît imprégner le corps entier de certains ruminants, le Bos Moschetus par exemple, beaucoup de cerfs, d’antilopes, de moutons et de chèvres sont pourvus de glandes odoriférantes placées sur divers points du corps et plus spécialement sur la face. On range dans cette catégorie les larmiers ou cavités sous-orbitaires. Ces glandes sécrètent une matière fétide, semi-liquide, quelquefois en assez grande abondance pour enduire la face entière, ce que j’ai observé chez une antilope. Elles sont « ordinairement plus grosses

  1. Pour le castoreum du castor, voir l’intéressant ouvrage de L. H. Morgan, The American Beaver, 1868, p. 300. Pallas (Spic. Zoolog. fasc. viii, p. 23, 1779) a discuté avec soin les glandes odorantes des mammifères. Owen (Anat. of Vertebrates, III, p. 634) donne aussi une description de ces glandes, comprenant celles de l’éléphant et de la musaraigne (p. 763). Sur les Chauves-Souris, M. Dobson, Proc. Zool. Soc. 1878, p. 241.
  2. Rengger, Naturg. d. Säugeth, etc., p. 355, 1830. Cet observateur donne quelques détails curieux sur l’odeur émise.